J 60 . H 22
Cette fois, sa décision est prise. Hardy va solliciter une audience auprès de l’assemblée génétique.
Il a longtemps réfléchi, pendant les vacances, face à la responsable ultime de tout ce tintouin. La génitrice. La propriétaire originelle des gènes incriminés, puisque c’est une évidence, sans ses gènes, jamais ils n’auraient dépassé la taille standard, jamais on ne les aurait humiliés, rabaissés. Amputés.
Il l’a regardée parader avec amertume, la génitrice, dans sa souveraineté mammaire intouchée. Tout est sa faute. Et lui, il refuse d’infliger pareil traumatisme à la génération suivante, il en va de son devoir, de préserver la Descendance, de produire du travail de qualité, non mais c’est vrai quoi, à quoi bon se décarcasser si c’est pour tailler dedans plus tard ?
Il doit bien y avoir un moyen de manipuler deux-trois trucs, histoire d’éviter à la progéniture future une paire de seins prédestinée au découpage. Ou alors, dans le cas contraire, autant leur fournir les pointillés à la naissance, ça gagnera du temps pour la suite.
Voilà, c’est bien, ça, Hardy. Bon argument. Ça va faire mouche, décide-t-il en ignorant les soupirs de Laurel. Sauf que Laurel ne soupire pas pour lui, s’entend-il répondre. Il soupire parce que ça recommence.
Quoi ? Qu’est-ce-qui recommence ? Il tente de ressentir ses coutures, affolé. Les brèches ? Les brèches reviennent ? Mais non. Laurel soupire à nouveau. Lui dit que s’il se concentrait sur autre chose que lui-même, il aurait remarqué que quelque chose ne tournait pas rond, ces derniers temps.
Pas rond ? Pas rond comment ? Des disputes ? Où ? Quand ? Qui lui en veut ? Pas toi, s’agace Laurel. Eux.
Un poil vexé, très intrigué et surtout résigné, Hardy se décide à mettre en suspens ses dilemmes existentiels. Il tend l’oreille. Et il entend, cette fois.