J-0 . H 3
Il fait noir. Il se sent pâteux. Où est-il ? Il veut le torse chaud du Reproducteur. Il a mal. Il tente de bouger, tente de gémir, tente de se rappeler. Les évènements défilent peu à peu, durant ce qui lui semble une éternité, avant qu’il ne comprenne. La panique le saisit au vol. Laurel n’est plus là. Il ne sent plus Laurel. Laurel ? La présence familière, rassurante, la chair chaude contre sa joue s’est évanouie. Ça tire, ça brûle, ça lance, et il est incapable de se situer. Le volume est étranger.
Il ne sent pas son nez, son équipe est aux abonnés absents, impossible de faire un état des troupes et le moindre frémissement déclenche d’insoutenables élancements. Où est Laurel ? Il reste immobile, dans un brouillard de souffrance et d’horreur. Il ne peut pas vivre sans Laurel. Laurel, sa moitié, son miroir, son frère, son…
Laurel ! A peine un chuchotement, mais il est là. Il lui dit de se calmer. Qu’ils ont besoin de repos. Laurel est là, c’est tout ce qui compte, tente de se rassurer Hardy. Après tout, il ne sent rien. Peut-être n’y a-t-il eu que l’anesthésie. Peut-être que Laurel est à sa place, contre lui, mais qu’il ne s’en rend pas compte. Peut-être la Propriétaire a-t-elle a retrouvé ses esprits et annulé l’acte de barbarie organisée qu’elle s’apprêtait à commettre. Peut-être l’Homme aux mains froides les a-t-il pris en pitié.
Arrête, soupire péniblement Laurel. Ce qu’ils ressentent n’a rien à voir avec une anesthésie. Il est temps d’accepter.
Hardy en est bien incapable. Il ne peut pas, c’est au-dessus de ses forces, il a trop besoin d’y croire. Il décide que s’il réchappe entier de cette histoire, il ne se plaindra plus. Jamais. Il ne râlera plus, ne se crispera plus, n’incitera plus jamais personne à la grève. Il sera le sein le plus doux qui ait jamais existé.