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Elle ne demandait pas grand-chose, Valérie. Elle voulait juste qu’on la laisse tranquille. Ils diront ce qu’ils voudront, les tribulations de l’autre ne la regardaient plus depuis quelques temps déjà, elle a lâché prise, que voulez-vous, ça arrive. Elle n’est ni la première, ni la dernière. Encore que. Dans sa position, peut-être.
C’est qu’elle le plaindrait presque François, avec sa nouvelle réputation de Strauss-Khan. A elle le rôle de la suppliciée, à lui le lapin crétin. Valérie est libre. Valérie est une héroïne. Valérie va dormir pour de vrai, grand lit, calme absolu, nuit noire et grasse matinée, carrément.
Ah, s’ils savaient ! S’ils savaient le service que lui a rendu la photo d’un scooter… Plaquer un mec, c’est une chose. Quand ce mec occupe la position la plus élevée du pays, c’en est une autre, et c’est difficile de s’en sortir sans passer pour une garce, regardez Cecilia. Non, Valérie avait déjà quelques difficultés question sympathie du public, attribuez-lui un cœur présidentiel brisé et c’était le lynchage médiatique garanti. Alors vraiment, merci Closer, puisque si la méthode ne fut pas des plus élégantes, elle a le mérite d’avoir fait valser les faux-semblants.
Ce n’est pas qu’il soit pénible, François. Ni qu’il soit désagréable ou sale ou désordonné, non, simplement, depuis qu’il est président, il ronfle. C’est comme ça qu’il évacue son stress, il parait. Et non content de ronfler, il ronfle fort. Beaucoup de stress à évacuer, probablement, au point que le vrombissement d’un A380 au-dessus du toit n’est en comparaison qu’un doux ronronnement félin.
Valérie a beau être de bonne constitution, tentez donc de vous assoupir contre une tondeuse à gazon puis d’enchaîner sur une journée à dix-huit rendez-vous, vous aurez un aperçu de son calvaire. Pourquoi ne pas partir, lui demanderez-vous ? Faire chambre à part ? Porter des boules Quiès ? Elle vous répondra, bonnes gens, qu’elle a tout essayé. Elle a remué ciel et terre pour lui bâillonner la glotte, à l’autre. Bouchons auditifs, pulvérisateurs, languettes, bandelettes, musique, sifflements, matelas plus dur, plus mou, infusions, régime sans gluten, sans alcool, sans lactose.
Il a maigri, n’a pas cessé de ronfler, a repris gluten, alcool, lactose et kilos. Valérie ne dormait toujours pas. Elle a opté pour la technique Van Damme. Coups de coudes, nez bouché, pincements de couenne, coups de pieds ou mandales, rien à faire. François évacuait son stress.
Chambre à part ? Allons. Trop visible, trop de ragots, impossible. Lits séparés ? Trop d’employés, impossible à cacher. Des traitements plus poussés ? Ah ça oui. Sauf que François dormait mal avec un masque, et que la chirurgie, il n’avait ni le temps ni l’envie. Alors forcément… forcément, sans sommeil, on s’agace. Au bout d’un moment, on se tolère moins. Surtout quand un emploi du temps aussi dense qu’un body Damart vous empêche de faire la sieste, cette fameuse sieste salvatrice, celle qui pourrait éviter à François de se prendre son bouquet de fleurs dans la tronche devant ses gardes du corps.
On s’use plus vite, sans sommeil, et Valérie s’est usée. Elle s’est fermée, il s’est vexé, elle s’est éloignée, il s’est impatienté, et voilà. Arrive le scooter. Si oui, elle a effectivement reçu un choc ce fameux matin, si oui, elle cherchait elle-même une sortie de secours, si bien sûr, la fourberie de l’intéressé l’a tout de même un tantinet agacée, ce n’est certainement pas par désespoir amoureux qu’elle a tourné de l’œil. C’est parce qu’elle dormait trois heures par nuit en pointillés depuis un an, huit mois et quatorze jours.
Après, elle a eu quinze jours pour dormir tout son saoul. Quinze jours de nuit noire expliquant sans doute pourquoi elle n’a pas réalisé avant d’être en Inde, gobant machinalement la pâte bourrée de beurre et de gluten qu’on venait de lui tendre, la rétine carbonisée par les flashs, la fatigue dopée à la migraine, se demandant bien ce qui allait lui arriver, ce que serait l’après, le comment et bam, la révélation. La claque. Elle était libre, le tympan libre, la nuit vide, l’A380 cramé en plein ciel, le rêve libéré et la souveraineté recouvrée. Un an, huit mois et quatorze jours à rattraper. Elle a plié le voyage en automate, est rentrée en apnée, s’est faxée sous sa couette et n’en a plus bougé depuis.