Source image : CC BY 2.0 Benjamin Geminel / Flickr
Non, Najat ne compte pas supprimer définitivement le redoublement, non, Najat ne s’appelle pas Claudine et non, Najat ne porte pas le voile. Trolls, haters, et autres couards du net, ne vous en faites pas pour elle, Najat maîtrise. Il lui a fallu un certain temps, certes, à elle pour qui le terme « troll » évoquait d’adorables figurines de plastique à cheveux fluo et regard de St Bernard. Mais finalement, il lui a suffi de grimper dans la hiérarchie pour comprendre le principe de base : le troll est un être désespérément frustré, qui pour mieux éviter d’affronter sa propre médiocrité, déverse sa haine de la vie en flots ininterrompus sur tout personnage un tant soit peu public et validant la grille mentale dudit troll. Voilà pour la part émergée de l’iceberg. Parce qu’il est plus, bien plus, à cet épineux problème du troll, qui soit dit en passant existait bien avant internet, bien avant la politique et bien avant la découverte du feu. Plus de quoi, plus de qui, et qu’est donc la grille mentale du troll, lui demanderez-vous ? Attention, Najat vous embarque au cœur d’un savoir ancestral savamment protégé.
Comme tout problème de société susceptible d’influencer les votes, la question du colporteur de ragots malfaisants est étudiée en haut lieu depuis des décennies. Et si les études restent confidentielles, la conclusion fut sans appel : 95% de trolls, en moyenne, souffre d’un déficit neuronal aigu. Non qu’ils l’aient choisi, c’est la vie, certains affichent des grains de beauté, d’autres non, certains finissent chauves, d’autres non. Le troll, lui, nait avec une population de neurones post-apocalypse. La bonne nouvelle, c’est que seuls les plus forts ont résisté. La mauvaise, c’est qu’ils doivent prendre en charge le même nombre de tâches qu’une équipe top niveau avec remplaçants et remplaçants de remplaçants. Conséquence directe, le pauvre neurone doit dès sa tendre enfance développer un système de traitement des données simple et efficace, sous peine de fondre sous la charge.
La réponse ? Une grille. Oui, on y est, la fameuse grille mentale du troll. Voyez-vous, le pauvre neurone, filant de synapse en synapse dans son cortex inhabité, n’a pas de temps à perdre avec les subtilités. Un feuillet par personne, une seconde à peine, grille remplie et sujet classé, emballez c’est pesé, on passe à autre chose. Concrètement, imaginez qu’à chaque nouvelle rencontre, le troll coche inconsciemment des cases basées sur d’antiques croyances, ce pauvre neurone n’ayant ni le temps, ni le loisir, de perfectionner son système de valeurs. Jeune ? Moins 10 points. Femme ? Moins 20 points. Peau mate ? Aïe Moins 40 points. En politique, le concept est connu sous le nom de Théorie du neurone solitaire, bien que relativement préservé du grand public. Un troll, même atteint du neurone solitaire, reste un électeur. On ne voudrait pas se les mettre à dos, non plus.
Najat vous rassure : une fois surmonté le traumatisme initial, vous finissez par vous faire à l’idée. Les trolls sont des électeurs comme les autres. Ils n’ont pas choisi. Ce pauvre neurone qui s’épuise dans son coin fait ce qu’il peut, personne n’est responsable, ça arrive, voilà tout. Alors non, elle ne prend pas les attaques au premier degré. Comment leur reprocher ? Femme, jeune et d’origine marocaine, rendez-vous un peu compte, lorsque le neurone en chef soumet le profil à sa grille bien ordonnée, c’est déjà un vol direct pour le purgatoire. Ajoutez à la sauce « ministre de l’éducation nationale », c’est le court-circuit garanti. Qu’y peut-elle, Najat, si ses résultats à la grille du neurone solitaire la classent dans la catégorie « engeance démoniaque » ? C’est même la raison précise pour laquelle elle ne se formalise plus depuis longtemps des rumeurs, de son soi-disant véritable nom – d’ailleurs franchement, tant qu’à lui attribuer un nom de fille de milliardaire à pedigree, ils auraient pu trouver mieux que Claudine Dupont, mais passons – jusqu’à sa fantasmagorique volonté d’instaurer des cours d’arabe à l’école.
Non, Najat ne s’en préoccupe plus. Elle se contente de démentir calmement et de sourire, parce qu’elle a une mission. Et ce, depuis qu’on lui a expliqué la Théorie du neurone solitaire à l’Institut d’Etudes Politiques. Peut-être parce qu’elle a regardé trop de Buffy contre les vampires ou de Joséphine Ange gardien, mais voilà, à vous, elle l’avoue sans fard, Najat rêve de sauver la population de neurones mal aimés. Elle veut les intégrer, les épanouir, les faire grandir, mieux, elle veut les faire pousser. Elle veut mettre fin à la malédiction de leur solitude débordée. Elle veut leur apprendre à établir des grilles avec quelques cases supplémentaires. C’est sa mission, son ambition et sa vocation, et aujourd’hui Najat, qui bien que dotée d’une population neuronale replète ne s’estime pas au-delà des listes, a enfin pu cocher la case ultime dans son plan de multiplication du neurone. Le ministère de l’éducation nationale. Rien que ça.
Le ministère de l’éducation, elle en rêvait depuis dix ans, Najat. Pourquoi ? Parce que s’il est un moyen de bannir l’isolement neuronal, c’est bien ici : depuis des années qu’elle planche, elle a dû se rendre à l’évidence, l’ancienne génération est perdue. Le neurone ne peut se reproduire que jusqu’à un certain stade, c’est donc dès ses premières synapses que Najat doit établir le contact. Le plan est simple. Soutenir, encourager, stimuler, et multiplier ces i*** de c*** de neu…. Pardon. Elle s’est emballée, elle n’est qu’humaine, ça lui arrive encore de temps en temps, mais sachez que son cœur n’est que compassion pour ces pauvres neurones esseulés, et peu importe qu’on l’appelle la bergère aux neurones jusque dans son clan, Najat s’en tamponne le brushing, elle a du pain sur la planche.
Alors non, Najat ne compte pas supprimer définitivement le redoublement à l’école. Parce qu’elle a peut-être une mission, elle n’en est pas moins lucide, il y a toujours des cas désespérés, et que dans tous les cas une telle révolution mettrait en branle la communauté de neurones solitaires au grand complet, pour qui nouveauté équivaut à refonte totale de la grille. Autant dire un calvaire, d’un côté comme de l’autre. En revanche, fini le redoublement abusif. Najat est dans la place, Najat a une mission. Semer du neurone et fleurir la synapse, telle devrait être la devise du Ministère de l’éducation nationale.