Source image : CC BY-SA 2.0 Laurent Jean Philippe on Flickr
Dans la famille de Maruschka, évoluer en string à plumes avec la démarche d’un labrador dysplasique n’avait rien de naturel. Mais il faut dire que dans la famille de Maruschka, le thermomètre squatte le négatif la moitié de l’année. Ajoutez à ça que son village du Grand Nord contient, à tout casser, la population d’un Auchan parisien en période de Noël, vous comprendrez que le défilé Victoria’s Secret, pour la famille de Maruscka, n’avait rien d’un couronnement.
Alors certes, elle n’était pas tête d’affiche, mais tête d’affiche du défilé Victoria’s Secret revient à faire partie des dix mannequins star de la planète glamour, or la planète glamour, Maruschka s’en moque comme de sa première plume : elle, elle fait ça pour les sous. Elle ne vous fera pas l’affront de parler de vocation du déhanché, d’amour du flash à rendre aveugle Helen Keller ou de passion pour la frusque à huit zéros sur l’étiquette. Non, elle aime bien avoir des sous. Et elle va vous dire, Maruschka. Maintenant que le défilé est passé et qu’elle sait ce qui s’est passé durant le défilé, elle fait plus que s’en féliciter. Elle en remercie le ciel.
Figurez-vous que Victoria’s Secret, c’est plus ou moins l’armée. On vous traque, on vous guette, on vous entraîne. On vous rationne, on vous couvre-feu et on vous mange-pas-ça, on vous rentre-le-ventre et on vous sors-les-fesses. Alors forcément, les habituées connaissent le truc : avant le défilé Victoria’s Secret, va donc fêter Thanksgiving en famille, histoire de recharger les batteries et d’éviter le carnage vengeur sur podium. Si elle n’est pas tête d’affiche, Maruschka y a tout de même des copines. Des copines qui lui ont vendu l’astuce, et qui quand Maruschka a opposé l’ambiance de fête foraine peu reposante régnant dans sa famille nombreuse, s’est entendue répondre ma chérie, à côté du défilé ta famille c’est les Bisounours à Disneyland. Qu’à cela ne tienne. Maruschka n’est pas arrivée là où elle est en ignorant tous les conseils. D’autant que fête foraine ou pas, elle aime bien sa famille. Enfin, aimait. Avant.
Quiconque n’est pas familier des défilés lingerie peut ignorer que sous les strings en dentelle brodés de rubis, un mannequin n’expose pas pour autant son artillerie. Non. Même le plus petit des strings est doublé par un second string chair, quasiment invisible. Un string chair qu’à la longue, on utilise pour les photos, les défilés, les changements de tenue impudique et les robes translucides, et puis qu’on finit par adopter une fois pour toutes parce que ça va plus vite. Maruschka vit en string chair. C’est donc avec sa cargaison de strings chair qu’elle a regagné, cette fois encore, le domicile familial, abandonnant sa valise sur le lit de sa chambre.
Quiconque n’est pas familier avec Maruschka peut ignorer que ses parents aiment leurs enfants. Beaucoup. Au point d’avoir du mal à s’arrêter, ce qui dans un village du Grand Nord contenant la population d’un Auchan parisien en période de Noël, est, soit dit en passant, considéré comme un acte patriotique. Maruschka, habituée aux hôtels de luxe et lofts bobo, a donc regagné, cette fois encore, sa chambre partagée avec trois de ses sœurs, voisinant les deux chambres des cinq garçons.
Là, elle vous voit venir. Vous vous interrogez sur le lien entre le string chair et la fratrie Auchan de Maruschka. C’est que dans sa valise résidaient les strings. Que dans la chambre voisine régnaient ses frères. Et que sitôt descendue avec ses sœurs décorer des sablés pour Thanksgiving, Maruschka a, semble-t-il, donné le signal pour une opération commando dont seuls des garçons menés par un leadeur de douze ans peuvent avoir l’idée. Non que placer des bombes de peinture – et quand elle dit bombe, elle entend ballons remplis d’encre – ne soit pas une bonne idée. D’ailleurs sans une sa splendide cascade de poisse, le fait que tous les strings chair de Maruschka aient viré au pop art ne l’auraient pas défrisée plus que ça.
Mais la vie étant ce qu’elle est, Maruschka est entrée dans la spirale infernale. Tout a commencé quand elle a oublié de ranger lesdits strings pop art dans sa valise et les as fourrés en urgence dans son sac à main. Tout s’est poursuivi quand un douanier perplexe les a exhibés, puis renversés, obligeant Maruschka à s’expliquer, un peu, à patienter, beaucoup, permettant à un autre mannequin de choper le dernier taxi, et forçant Maruschka à attendre imprudemment le suivant dans le froid londonien jusqu’à devenir terre d’asile pour une pleine poignée de microbes sans papiers. Tout s’est achevé quand shootée au Fervex à quelques minutes de son passage sur le podium, elle a trébuché sur Adriana et craqué le string chair fourni par Victoria’s Secret sur les ailes de Karlie.
Vous lui direz, ça aurait pu être pire. Elle aurait pu craquer son string à plumes d’autruches incrusté de diamants. Mais vous avez déjà essayé de garder une pensée cohérente avec le nez en patate sous le fond de teint ? Maruschka n’a pas réussi. Elle s’est carapatée derrière une tenture, a retiré son string à plumes et son lambeau chair, plongé la main dans son sac, certaine d’y trouver un remplaçant. Pourquoi, à ce moment-là, son cerveau a-t-il décidé d’occulter si totalement l’épisode du pop art fraternel ? Les méandres d’un cortex médicamenté sont décidemment bien mystérieux. Parce que si Maruschka n’a rien vu, les organisateurs du défilé, si. Et pour être honnête, le string pop art cadrait moyennement avec les diamants.
Elle vous dirait bien que la chose a fait sensation, lancé une nouvelle mode, ravi les big boss et propulsé Maruschka dans le top 10. Elle vous dira plutôt qu’aimer les sous, ça sert. Parce que la planète glamour risque de bouder un certain temps, et que Maruschka s’en moque, elle a juste assez de sous pour repeupler Auchan.