On la voit, là, Marthe, et on se dit que c’est romantique, comme image. Qu’elle savoure le coucher de soleil, les reflets mouvants sur la rivière, qu’un bel étalon va passer dans le coin pour l’enlever sur son scooter et qu’elle a bien de la chance de pouvoir se la couler douce en vacances comme ça. Et on de doute bien, aussi, que c’est un chouïa plus compliqué que ça.
Déjà, Marthe n’est pas en vacances, elle travaille. Ou elle en revient, tout du moins, après avoir rendu visite à un client. Et puis Marthe n’est pas seule, elle est accompagnée du nouveau stagiaire, celui qui ressemble un peu à Thor avec ses pectoraux tellement gonflés qu’on lui voit les tétons à travers la chemise.
Il faut bien avouer que depuis son arrivée, Marthe n’a plus qu’un but dans sa journée de travail : lui faire tomber la veste. Oui, bon, harcèlement… ça va, hein. Il n’a pas l’air de s’en plaindre. Et s’ils ne travaillaient pas en open space, elle est quasiment sûre qu’ils auraient déjà baptisé la photocopieuse.
Alors vous vous doutez bien, avec un rendez-vous client en extérieur, seuls dans la voiture, qu’elle a élaboré un plan de génie dès la première minute. Un plan simple et brillant en trois étapes : 1) lui faire oublier la différence d’âge, 2) lui prouver à quel point elle est cool, 3) monopoliser les ressources sanguines ailleurs que dans son cerveau.
De nos jours les jeunes ne font plus de pause clope, c’est mauvais pour la santé, ils font une pause Coca Zéro ou une pause Twitter. Marthe sait ça. Elle a donc doublé ses chances et glissé ça te dit une pause Coca, j’ai repéré un petit étang trop chou que je posterais bien sur Instagram.
Il a souri. Téton têtu, here I come! Marthe a garé la voiture dans une flaque de boue (pas fait exprès) et joué les filles trop cool. Genre branchée. Genre pas née à une époque où internet n’existait pas. Genre rien de mieux à faire, après une après-midi sur la route, que de boire un coca sans sucre sans goût sans caféine au bord d’une rivière crado alors que ça commence à cailler et que je n’ai pas de pull.
Je reviens, a-t-elle susurré en ouvrant la portière, rapport à son alibi. Elle a plongé sa ballerine rose sans broncher dans la flaque de boue, pas un rictus, rien. Elle a défait un bouton, dégainé son portable. Retiré sa veste et roulé ses manches de chemise comme si elle ne rêvait pas Damart et bouillotte, parce qu’avec un poil de tactique, elle pourrait allumer un feu avec les tétons de Thor dans moins de cinq minutes.
Il n’avait pas besoin de savoir qu’elle n’avait même pas l’appli, le plan était simple : avancer au bout du tronc écroulé en travers de l’étang (bravoure + témérité = jeunesse), tendre son portable (Instagram + smartphone = coolitude), se pencher en avant pour cadrer (postérieur + jupe fendue = ressources sanguines).
Non, bande de mauvaises langues, elle n’est pas tombée. Elle aurait préféré, Thor serait venu la sauver. Elle s’est avancée cahin-caha dans ses ballerines, la gauche marron et gadouilleuse, la droite sèche et rose, s’est penchée en avant en ignorant les tiraillements de ses cuisses (tiraillements = muscles tendus = fessier galbé), a prié pour que la fente de sa jupe suggère sans montrer (dentelle, oui, cellulite, non).
Allez viens ma belle, qu’il a dit depuis la rive. La proie était ferrée, Marthe a fait volte-face. Seul un tronc se dressait encore entre eux. Elle s’est dit toi mon petit, tu vas découvrir le pouvoir de la maturité, on va se rejouer Titanic dans la calèche avec la buée sur les vitres. Fais péter le téton, j’arrive. Et c’est là qu’elle a vu.
Une araignée. Mais une araignée, une araignée, quoi. Une araignée Godzilla, une araignée transgénique, un truc immonde d’au moins deux centimètres. Là, bien campée sur ses pattes musclées au beau milieu du tronc.
Marthe a une peur bleue des araignées. Pire, les araignées, ça lui fige le neurone, tétanie, paralysie, tout ça. Elle s’est laissée tomber sur le tronc, tout au bout, le plus loin possible, plus de mots, plus de forces, attendant que Thor vienne la sauver. Puisque Thor allait bien venir la sauver, avec ses pectoraux géants.
Et ben non. Que dalle. Tétons qui tue mais empathie limitée, au bout de cinq minutes il a dit je t’attends dans la caisse beauté, vas-y kiffe. Et du bout de son tronc, elle l’a vu se débarrasser de sa chemise et de ses chaussures avant de s’affaler sur la banquette arrière.
Alors non, Marthe, elle ne kiffe pas. Parce qu’elle est assise au bout d’un gros rondin depuis vingt minutes, les bras ankylosés, des échardes dans les cuisses et les yeux qui pleurent à force de soutenir le regard vicieux de Godzilla. (C’est où les yeux, sur une araignée ?) Et parce que l’autre gros crétin ronfle sur la banquette arrière les tétons à l’air, conscience en paix et pieds sur la vitre propre. Comme quoi la taille du téton n’a vraiment aucun rapport avec la taille du cerveau.
Déjà, Marthe n’est pas en vacances, elle travaille. Ou elle en revient, tout du moins, après avoir rendu visite à un client. Et puis Marthe n’est pas seule, elle est accompagnée du nouveau stagiaire, celui qui ressemble un peu à Thor avec ses pectoraux tellement gonflés qu’on lui voit les tétons à travers la chemise.
Il faut bien avouer que depuis son arrivée, Marthe n’a plus qu’un but dans sa journée de travail : lui faire tomber la veste. Oui, bon, harcèlement… ça va, hein. Il n’a pas l’air de s’en plaindre. Et s’ils ne travaillaient pas en open space, elle est quasiment sûre qu’ils auraient déjà baptisé la photocopieuse.
Alors vous vous doutez bien, avec un rendez-vous client en extérieur, seuls dans la voiture, qu’elle a élaboré un plan de génie dès la première minute. Un plan simple et brillant en trois étapes : 1) lui faire oublier la différence d’âge, 2) lui prouver à quel point elle est cool, 3) monopoliser les ressources sanguines ailleurs que dans son cerveau.
De nos jours les jeunes ne font plus de pause clope, c’est mauvais pour la santé, ils font une pause Coca Zéro ou une pause Twitter. Marthe sait ça. Elle a donc doublé ses chances et glissé ça te dit une pause Coca, j’ai repéré un petit étang trop chou que je posterais bien sur Instagram.
Il a souri. Téton têtu, here I come! Marthe a garé la voiture dans une flaque de boue (pas fait exprès) et joué les filles trop cool. Genre branchée. Genre pas née à une époque où internet n’existait pas. Genre rien de mieux à faire, après une après-midi sur la route, que de boire un coca sans sucre sans goût sans caféine au bord d’une rivière crado alors que ça commence à cailler et que je n’ai pas de pull.
Je reviens, a-t-elle susurré en ouvrant la portière, rapport à son alibi. Elle a plongé sa ballerine rose sans broncher dans la flaque de boue, pas un rictus, rien. Elle a défait un bouton, dégainé son portable. Retiré sa veste et roulé ses manches de chemise comme si elle ne rêvait pas Damart et bouillotte, parce qu’avec un poil de tactique, elle pourrait allumer un feu avec les tétons de Thor dans moins de cinq minutes.
Il n’avait pas besoin de savoir qu’elle n’avait même pas l’appli, le plan était simple : avancer au bout du tronc écroulé en travers de l’étang (bravoure + témérité = jeunesse), tendre son portable (Instagram + smartphone = coolitude), se pencher en avant pour cadrer (postérieur + jupe fendue = ressources sanguines).
Non, bande de mauvaises langues, elle n’est pas tombée. Elle aurait préféré, Thor serait venu la sauver. Elle s’est avancée cahin-caha dans ses ballerines, la gauche marron et gadouilleuse, la droite sèche et rose, s’est penchée en avant en ignorant les tiraillements de ses cuisses (tiraillements = muscles tendus = fessier galbé), a prié pour que la fente de sa jupe suggère sans montrer (dentelle, oui, cellulite, non).
Allez viens ma belle, qu’il a dit depuis la rive. La proie était ferrée, Marthe a fait volte-face. Seul un tronc se dressait encore entre eux. Elle s’est dit toi mon petit, tu vas découvrir le pouvoir de la maturité, on va se rejouer Titanic dans la calèche avec la buée sur les vitres. Fais péter le téton, j’arrive. Et c’est là qu’elle a vu.
Une araignée. Mais une araignée, une araignée, quoi. Une araignée Godzilla, une araignée transgénique, un truc immonde d’au moins deux centimètres. Là, bien campée sur ses pattes musclées au beau milieu du tronc.
Marthe a une peur bleue des araignées. Pire, les araignées, ça lui fige le neurone, tétanie, paralysie, tout ça. Elle s’est laissée tomber sur le tronc, tout au bout, le plus loin possible, plus de mots, plus de forces, attendant que Thor vienne la sauver. Puisque Thor allait bien venir la sauver, avec ses pectoraux géants.
Et ben non. Que dalle. Tétons qui tue mais empathie limitée, au bout de cinq minutes il a dit je t’attends dans la caisse beauté, vas-y kiffe. Et du bout de son tronc, elle l’a vu se débarrasser de sa chemise et de ses chaussures avant de s’affaler sur la banquette arrière.
Alors non, Marthe, elle ne kiffe pas. Parce qu’elle est assise au bout d’un gros rondin depuis vingt minutes, les bras ankylosés, des échardes dans les cuisses et les yeux qui pleurent à force de soutenir le regard vicieux de Godzilla. (C’est où les yeux, sur une araignée ?) Et parce que l’autre gros crétin ronfle sur la banquette arrière les tétons à l’air, conscience en paix et pieds sur la vitre propre. Comme quoi la taille du téton n’a vraiment aucun rapport avec la taille du cerveau.