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On dit que les rêves d’enfant sont faits pour être exaucés un jour. Quel que soit l’âge, concrétiser un fantasme enfantin fait pétiller le neurone et ça, dans une vie d’adulte, ça vaut tout l’or du monde, d’autant qu’en général, on parle de papouiller un éléphant ou une lance à incendie. Alors pourquoi pas ? C’est exactement ce que s’était dit Marjolaine en passant devant le magasin, ce jour-là, après avoir fait ravaler sa main à son patron. Le vieux avait décidé d’effectuer lui-même un contrôle qualité approfondi, voyez-vous. Pour le bien de l’entreprise.
Marjolaine veut bien beaucoup de choses, mais la gériatrie très peu pour elle, elle lui a donc vaillamment agrafé la main au pantalon avant de se faire la malle. Vous devinez dans quel état d’esprit elle était, dévalant la rue en escarpins et brushing blond, prête à pointer au chômage dans la joie et la bonne humeur ? Non ? Pour résumer poliment, disons qu’elle était en plein rejet total du monde et des conventions. Pour résumer franchement, elle pensait allez tous vous faire scalper la face. Non mais c’est vrai, quoi. Cinq ans de bons et loyaux services en tailleur pour prouver à son patron qu’elle était prête à plus de responsabilités. Ah ça, il avait reçu le message, le décati. Il ne pensait simplement pas au même type de responsabilités, apparemment.
Marjolaine dévalait donc la rue. Même pas vraiment ennuyée, plutôt décidée. Décidée à envoyer valser son tailleur et ses escarpins, puisque vous voulez savoir à quoi rêvait Marjolaine, quand elle était petite ? Shérif vétérinaire photographe. Parfaitement. Créative ET multitâches. Si l’enchaînement s’est fait assez naturellement, ce jour-là, la rébellion n’a pourtant pas commencé du côté le plus évident : elle a teint son brushing en gris-mauve et rasé le côté gauche. Ben oui. Kelly Osbourne, Nicole Richie, toutes les vraies rebelles l’ont fait. Or Marjolaine était en pleine crise de F*** the world.
On vous laisse imaginer le résultat lorsqu’elle est ressortie, toujours en tailleur et escarpins vernis, mais elle le savait bien, à présent, ce n’était qu’une question de temps. Ou de mètres. Un jean, une parka, un appareil photo haut de gamme puisque de toute façon, elle allait toucher de sacrées indemnités de départ si son vieux libidineux voulait éviter de se faire coller un procès à la nouille. Elle avait désormais le look du photographe rebelle – du moins l’image qu’elle s’en faisait, et pour le vétérinaire, Marjolaine n’était pas complétement stupide. Ce serait sacrément plus coton. Pour le shérif, en revanche…
Des semaines, qu’elle les avait repérées, ces bottes. De vraies bottes de cow-boy en cuir patiné, bout renforcé, chaînes à la cheville… et de faux éperons. Oui. Comme un shérif – du moins l’image qu’elle s’en faisait. Pas de l’éperon capable d’ouvrir un tibia, non, plutôt une sorte de sangle en métal mais qui quand même, s’était dit Marjolaine, si elle l’avait eu quelques heures plus tôt, aurait trouvé son chemin jusqu’aux fonctions reproductrices de son patron. C’est donc sans une once de doute qu’elle a vidé ses escarpins pour enfiler sangle, cuir et chaîne, même que quand elle marchait, ça faisait diling diling. Marjolaine a glissé un pouce dans son jean, l’appareil photo en bandoulière et s’en est allée la démarche traînante, avec sur le visage la sobriété d’un sapin de Noël illuminé.
Voilà. Et elle aurait bien envie de vous dire que jusque-là, c’était le plus beau jour de sa vie, expliquant sans doute le revers de médaille. C’est que voyez-vous, une fois lancée, Marjolaine n’avait pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. C’était trop tard, il fallait aller jusqu’au bout, sans quoi elle allait finir la journée avec une perruque, regrettant d’avoir rué dans les brancards comme l’ado qu’elle n’était plus. Elle a donc résolument pris le chemin du parc, appareil photo, sapin de Noël, diling diling et tout le toutim.
C’était le meilleur moyen d’ajouter une touche animalière à la chose, comprenez-la. Et encore maintenant, Marjolaine se dit toujours qu’elle a pris la bonne décision. C’est qu’à peine engloutie par le parc désert – sans doute un rapport avec la météo dépressive – Marjolaine a dû procéder à un sauvetage en urgence et pensez donc, elle, sauvetage, pauvre petit caneton coincé dans une planche de pont, maman cane et la fratrie en pleine panique à côté, Marjolaine shérif vétérinaire photographe en pleine concrétisation, bonheur intense, extase suprême, ah quelle belle journée pour se révéler.
Ni une ni deux, Marjolaine s’est accroupie, diling diling, a soulevé délicatement la planche sadique et laissé le petiot rejoindre à toutes pattes la famille en plein émoi. Tout en mitraillant, bien sûr, la scène avec son superbe appareil photo numérique haut de gamme ultra moderne même pas besoin de contrôler, sans même y faire attention, le regard rivé aux retrouvailles palmipèdes. Comment ne pas savourer pareil symbole de renouveau ? Adieu patrons libidineux, Marjolaine serait photographe animalière avec des bottes de shérif, peut-être même qu’elle pourrait trouver une étoile pour son tee-shirt. Et c’est là, donc, le neurone en pleine effervescence, que Marjolaine a voulu d’une, vérifier ses photos, de deux, se relever.
C’est là, aussi, que d’une, elle a noté avoir omis un détail avec son superbe appareil photo numérique haut de gamme ultra moderne même pas besoin de contrôler. Il fait beaucoup de choses tout seul, l’appareil, comme faire le point, régler l’ouverture, adapter sa luminosité, tout ça tout ça. Mais on n’a pas encore inventé d’appareil photo qui enlève tout seul son capuchon de protection.
C’est avec un certain détachement, aussi, que Marjolaine a décidé de rester accroupie. Diling diling, chantaient les chaînes coincées dans la planche, tandis que résonnait au loin l’appel du gardien prêt à clore le parc pour la nuit. Elle s’est dit qu’après tout, une vraie shérif vétérinaire photographe ne s’affolerait pas à l’idée de passer la nuit seule dans un parc avec des températures de gnôme. Marjolaine est une fille positive. Elle s’est même dit que ça lui permettrait de bien, bien, bien réfléchir à son avenir, le temps d’atteindre l’hypothermie. Et puis que d’ailleurs, maman cane n’allait pas faire sa mesquine, elle allait bien lui faire une petite place entre deux roseaux.
Marjolaine veut bien beaucoup de choses, mais la gériatrie très peu pour elle, elle lui a donc vaillamment agrafé la main au pantalon avant de se faire la malle. Vous devinez dans quel état d’esprit elle était, dévalant la rue en escarpins et brushing blond, prête à pointer au chômage dans la joie et la bonne humeur ? Non ? Pour résumer poliment, disons qu’elle était en plein rejet total du monde et des conventions. Pour résumer franchement, elle pensait allez tous vous faire scalper la face. Non mais c’est vrai, quoi. Cinq ans de bons et loyaux services en tailleur pour prouver à son patron qu’elle était prête à plus de responsabilités. Ah ça, il avait reçu le message, le décati. Il ne pensait simplement pas au même type de responsabilités, apparemment.
Marjolaine dévalait donc la rue. Même pas vraiment ennuyée, plutôt décidée. Décidée à envoyer valser son tailleur et ses escarpins, puisque vous voulez savoir à quoi rêvait Marjolaine, quand elle était petite ? Shérif vétérinaire photographe. Parfaitement. Créative ET multitâches. Si l’enchaînement s’est fait assez naturellement, ce jour-là, la rébellion n’a pourtant pas commencé du côté le plus évident : elle a teint son brushing en gris-mauve et rasé le côté gauche. Ben oui. Kelly Osbourne, Nicole Richie, toutes les vraies rebelles l’ont fait. Or Marjolaine était en pleine crise de F*** the world.
On vous laisse imaginer le résultat lorsqu’elle est ressortie, toujours en tailleur et escarpins vernis, mais elle le savait bien, à présent, ce n’était qu’une question de temps. Ou de mètres. Un jean, une parka, un appareil photo haut de gamme puisque de toute façon, elle allait toucher de sacrées indemnités de départ si son vieux libidineux voulait éviter de se faire coller un procès à la nouille. Elle avait désormais le look du photographe rebelle – du moins l’image qu’elle s’en faisait, et pour le vétérinaire, Marjolaine n’était pas complétement stupide. Ce serait sacrément plus coton. Pour le shérif, en revanche…
Des semaines, qu’elle les avait repérées, ces bottes. De vraies bottes de cow-boy en cuir patiné, bout renforcé, chaînes à la cheville… et de faux éperons. Oui. Comme un shérif – du moins l’image qu’elle s’en faisait. Pas de l’éperon capable d’ouvrir un tibia, non, plutôt une sorte de sangle en métal mais qui quand même, s’était dit Marjolaine, si elle l’avait eu quelques heures plus tôt, aurait trouvé son chemin jusqu’aux fonctions reproductrices de son patron. C’est donc sans une once de doute qu’elle a vidé ses escarpins pour enfiler sangle, cuir et chaîne, même que quand elle marchait, ça faisait diling diling. Marjolaine a glissé un pouce dans son jean, l’appareil photo en bandoulière et s’en est allée la démarche traînante, avec sur le visage la sobriété d’un sapin de Noël illuminé.
Voilà. Et elle aurait bien envie de vous dire que jusque-là, c’était le plus beau jour de sa vie, expliquant sans doute le revers de médaille. C’est que voyez-vous, une fois lancée, Marjolaine n’avait pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. C’était trop tard, il fallait aller jusqu’au bout, sans quoi elle allait finir la journée avec une perruque, regrettant d’avoir rué dans les brancards comme l’ado qu’elle n’était plus. Elle a donc résolument pris le chemin du parc, appareil photo, sapin de Noël, diling diling et tout le toutim.
C’était le meilleur moyen d’ajouter une touche animalière à la chose, comprenez-la. Et encore maintenant, Marjolaine se dit toujours qu’elle a pris la bonne décision. C’est qu’à peine engloutie par le parc désert – sans doute un rapport avec la météo dépressive – Marjolaine a dû procéder à un sauvetage en urgence et pensez donc, elle, sauvetage, pauvre petit caneton coincé dans une planche de pont, maman cane et la fratrie en pleine panique à côté, Marjolaine shérif vétérinaire photographe en pleine concrétisation, bonheur intense, extase suprême, ah quelle belle journée pour se révéler.
Ni une ni deux, Marjolaine s’est accroupie, diling diling, a soulevé délicatement la planche sadique et laissé le petiot rejoindre à toutes pattes la famille en plein émoi. Tout en mitraillant, bien sûr, la scène avec son superbe appareil photo numérique haut de gamme ultra moderne même pas besoin de contrôler, sans même y faire attention, le regard rivé aux retrouvailles palmipèdes. Comment ne pas savourer pareil symbole de renouveau ? Adieu patrons libidineux, Marjolaine serait photographe animalière avec des bottes de shérif, peut-être même qu’elle pourrait trouver une étoile pour son tee-shirt. Et c’est là, donc, le neurone en pleine effervescence, que Marjolaine a voulu d’une, vérifier ses photos, de deux, se relever.
C’est là, aussi, que d’une, elle a noté avoir omis un détail avec son superbe appareil photo numérique haut de gamme ultra moderne même pas besoin de contrôler. Il fait beaucoup de choses tout seul, l’appareil, comme faire le point, régler l’ouverture, adapter sa luminosité, tout ça tout ça. Mais on n’a pas encore inventé d’appareil photo qui enlève tout seul son capuchon de protection.
C’est avec un certain détachement, aussi, que Marjolaine a décidé de rester accroupie. Diling diling, chantaient les chaînes coincées dans la planche, tandis que résonnait au loin l’appel du gardien prêt à clore le parc pour la nuit. Elle s’est dit qu’après tout, une vraie shérif vétérinaire photographe ne s’affolerait pas à l’idée de passer la nuit seule dans un parc avec des températures de gnôme. Marjolaine est une fille positive. Elle s’est même dit que ça lui permettrait de bien, bien, bien réfléchir à son avenir, le temps d’atteindre l’hypothermie. Et puis que d’ailleurs, maman cane n’allait pas faire sa mesquine, elle allait bien lui faire une petite place entre deux roseaux.