Source image : CC BY 2.0 Bob Jagendorf on Flickr
645 € la paire de Louboutin. A ce tarif-là, on ne lâche pas prise si facilement. Et d’ailleurs, une femme avec ses Louboutin, c’est comme une cane avec ses canetons, ça couve, ça veille et ça protège. Dans ces circonstances, comment vouliez-vous qu’elle le voie venir, Marinette ? Comment pouvait-elle imaginer qu’une paire de Louboutin à 645€ pourrait mettre en péril ses fiançailles toutes fraîches ? Ce à quoi elle vous répondra, avec autant d’aplomb que le jour où on l’a prise la main dans le tiroir à bonbon, c’est-à-dire avec toute la mauvaise foi du monde, qu’elle ne le pouvait pas. Voilà.
Marinette est une fille simple. De très mauvaise foi, certes, mais simple, et s’orner les orteils de Louboutin n’avait jamais fait partie de ses fantasmes, pour être honnête. Mais pour rester honnête, seuls les idiots ne changent pas d’avis, aussi, lorsque la grognasse du service marketing a fêté ses fiançailles en Jimmy Choo, s’est-elle subitement découvert une passion dévorante pour tout ce qui pourrait détrôner Jimmy Choo. Non mais attendez, avant de la juger. C’est que la grognasse, depuis son arrivée au service marketing, s’est fixé comme seul et unique but de faire tout ce que fait Marinette. Mais en mieux. Allez savoir pourquoi certaines personnes déclenchent chez d’autres une antipathie quasi-immédiate, Marinette a eu beau se poser la question, le jour où la grognasse s’est pointée à la fête de Noël avec un tee-shirt « Maripette », elle a décidé que le temps des questions était révolu. Ne restait qu’une option. La lutte finale.
Et pour la lutte finale, sa mauvaise foi a rendu de fiers services à Marinette. La grognasse était à genoux, prête à y laisser sa tête quand dans un dernier sursaut, elle a lâché ses dernières armes et commis l’irréparable. Alors même que Marinette narrait sa demande en mariage romantico-aquatique dans une barque au clair de lune, la créature a déballé sa demande en mariage dans une gondole à Venise, avec un caillou gros comme un rat sur l’annulaire. Marinette a quelques restes de bon sens. Quand son promis a refusé d’hypothéquer l’appartement pour une bague plus conséquente, elle n’a pas insisté. Elle a attendu son heure. Guetté, calculé, étudié, compilé les données sous Excel et aligné les scénarios. Et, enfin, puisque tout vient à point à qui sait attendre, elle est tombée sur le bon.
Rien de bien compliqué, au demeurant. Endormir la bête, tout d’abord. Et croyez-la quand elle vous dit qu’elle a dû s’enfiler deux Valium pour cajoler la grognasse à sa fête de fiançailles. Oui, elle était invitée, évidemment. Histoire d’assister à sa soi-disant défaite face à la chose en échasses Jimmy Choo. Mais croyez-la tout autant lorsque Marinette vous affirme d’une voix de trompette retapée au marteau – la faute au Valium – que la vengeance est un plat qui se mange froid. Puisque l’intérêt de passer en second, c’était bien entendu de surpasser. Elle avait observé, elle n’avait qu’à faire mieux, d’où le Falcon Millenium collector de son promis revendu sur Ebay pour s’acheter sa paire de Louboutin, en croisant les doigts pour qu’il ne découvre la trahison qu’après avoir dit Oui. Si tout s’est passé comme prévu ? Non, elle ne peut pas vraiment l’affirmer, mais… attendez qu’elle vous explique.
Que pouvait donc bien trouver la grognasse pour ruiner les fiançailles de Marinette ? Arriver en longue robe blanche, déjà, aurait pu fortement plomber l’ambiance, si la reine de la fête n’avait pas trébuché sur la traîne, son verre de vin à la main. Quel malheur, vraiment, Marinette en était littéralement décomposée. Si si, la mauvaise foi, ça entraîne, Marinette joue très bien la comédie. Et si la grognasse a bien tenté de prononcer un discours sans doute poignant, il est encore plus désolant qu’elle en ait été empêchée par une quinte de toux digne d’un épagneul en rut. Comment Marinette aurait-elle pu deviner que la pauvre donzelle était allergique aux chats, aussi ? Sans quoi, elle aurait bien entendu empêché Turlute – son chat – de dormir sur la chaise destinée à la grognasse, la veille.
Bref. Toujours est-il que lorsqu’elle s’est isolée sur le ponton pour savourer son triomphe, Marinette n’avait plus la moindre pensée négative. Du moins, jusqu’à ce qu’elle aperçoive ses Louboutin frôlant les eaux calmes du lac et ne s’écrie, enfer et damnation, quel risque inutile suis-je en train de leur faire courir, pauvre de moi. Aussi s’est-elle empressée de retirer ses précieux escarpins. Malheureusement, après une journée dans des escarpins neufs, vous sentez pointer le hic, ses petons avaient doublé de volume. La bataille fut féroce. Mais Marinette, en plus d’être de mauvaise foi, est têtue, elle a gagné. Elle vous répète donc la question. Comment pouvait-elle prévoir que ses échauffourées avec Louboutin arracheraient de son doigt sa bague de fiançailles ? Oui, plouf. Mais non, ce n’est pas tout.
La grognasse a du répondant, reconnaissons-le. Parfumée au Bourgogne et le nez en patate, elle a négocié le ponton en hurlant Maripette, Maripette, laissant deviner que le Bourgogne ne se trouvait pas que sur sa robe. Et la perfide a vu. Son œil exercé a tout de suite compris, lorsqu’elle a enregistré la main de Marinette fouillant les eaux sombres, l’annulaire vide et l’expression hagarde de la future mariée en pleine panique. C’est là, à cet instant précis, qu’elle a explosé de rire en écrasant les Louboutin à 645€ de Marinette.
En une seconde, la mariée paniquée a laissé place à la louve blessée. C’est sans une once d’hésitation que Marinette lui a flanqué un direct en plein dans la zone la plus proche, qui se trouvait être l’arrière du genou. Si déjà l’endroit est sensible chez un humanoïde standard, sachez qu’il l’est encore plus chez une grognasse imbibée à l’équilibre précaire. D’où le dilemme de Marinette, qui bien que profondément réjouie à la vue de la grognasse détrempée accrochée au pilier du ponton en crachant ses cheveux, l’est un tout petit peu moins à l’idée de la réaction de son promis, découvrant la noyade de la bague de fiançailles et la disparition du Falcon Millénium. Puisque du coup, elle se demande, si elle promet de ne pas immortaliser le chien mouillé en robe blanche désormais transparente. Est-ce-qu’elle ne pourrait pas la convaincre d’aller sonder le fond du lac, à tout hasard ?