Source image : CC BY-NC-SA 2.0 @Doug88888 sur Flickr
Elle est cool, Juju. Elle est romantique. Kate Moss avec une ombrelle et des bottes de pluie, regard lointain et mèche au vent, vous voyez ? Voilà. Elle est comme ça, Juju. Elle aime méditer sous la pluie, être en phase avec le monde, sentir l’eau ruisseler sur sa peau, la purifiant de l’intérieur jusqu’à lui laver l’âme. D’ailleurs s’il ne pleuvait pas tant, elle se glisserait volontiers de la musique dans les tympans, histoire de souligner le cheminement mystique de son moi intérieur. Voilà pour la version officielle.
Parce que d’elle-même à elle-même, elle se verrait très bien dans sa chambre avec un chocolat chaud, Juju. Voire, pour le plan B, à l’abri sous les arcades, juste derrière, là où se planque G. Voire, pour le plan C, juste sous G, ce qui aurait le mérite de lui tenir chaud. Mais si tout se passait dans la vie comme dans la tête de Juju, ça se saurait, la viande pousserait sur les arbres et le monde serait peuplé de licornes. Elle a vérifié. Pas de licorne en vue.
Ce n’est pas qu’elle veuille rester là, comprenez bien, c’est la bonne vieille histoire de l’engrenage infernal. Quand on se rend compte qu’on est plus proche de Mimi Cracra à pieds joints dans une flaque que de Kate Moss avec une ombrelle, c’est déjà trop tard, l’être humain a cette fâcheuse tendance à s’enferrer dans le compost en toute conscience. Et Juju est un être humain très banal, soyons lucides, elle ne creuse jamais sa tombe en surface. Non, elle va bien au fond, jusqu’à avoir la tête bien enfouie. La preuve. Elle est à trois gouttes de la pneumonie en plein mois d’août.
Et là, tout de même, vous avez envie de lui demander mais comment t’es-tu retrouvée, petite Juju, à faire rétrécir ton jean sous la pluie, sous le regard perplexe de G, qui ne cesse de te hurler de ramener ton boule – G est un poète – et à qui tu ne cesses de répondre mais nan ça va j’adore moi j’aime la pluie ça m’aide à réfléchir, alors que concrètement, tes neurones sont en train de se liquéfier. Ce à quoi Juju vous répondra, avec beaucoup de lucidité : l’amour, et une bonne dose de… oui, bon. Stupidité.
Au départ, elle n’avait pas prévu les trombes, pour être honnête. Ils étaient assis là, sur les marches, elle parlait de sauver le monde avec G et jurait que plus jamais elle n’avalerait la moindre miette de viande, tant qu’on ne lui aurait pas prouvé l’existence de ce fameux arbre à côtelettes. Qu’elle se soit enfilé un triple burger pas du tout végétarien au déjeuner, il n’était pas censé le savoir. Et c’est là que tout a basculé. Parce que G a dit que c’était cool, une meuf avec des buts dans la life, une meuf capable de penser à autre chose qu’à son string et de kiffer sa race à la mother nature, vu que quand même la mother nature, ça envoie du lourd, rapport aux miracles de ouf genre les papillons et les volcans. Oui, elle vous l’a dit, G est un poète. Heureusement pour lui, il est également doté de la plus belle paire de fesses du quartier, ce que Juju pense important de vous préciser.
A ce moment-là, Juju estimait être déjà enterrée, disons, jusqu’à la taille. Elle y croyait encore, et cherchait une porte de sortie quand la pluie est arrivée. Oui, parce qu’on est en août, mais il pleut. Plusieurs fois par semaine. Voire, par jour. Il parait que c’est Perséphone qui débloque, mais ça, c’est une autre histoire. Donc il s’est mis à pleuvoir, de la gouttelette de mauviette, de la gouttelette de romantique, et puisqu’elle était censée être une fille en phase avec la nature, Juju a lancé un regard extatique vers le ciel. Juju maîtrise à merveille le regard extatique, elle s’est entraînée devant les burgers.
J’adore la pluie, a-t-elle lâché dans un soupir non moins extatique. Ce à quoi G, le poète, a répondu avec emphase ouais grave, ça déchire sa mère. Avant d’ajouter avec non moins d’emphase que par contre, la pluie ça mouille le falzar et qu’il préférait la mater les pompes au sec, mais qu’elle se fasse son kiff en solo, il respectait à donf le trip. Là, il s’est carapaté comme si ledit falzar avait pris feu, ce qui ne risquait pas, vu qu’à cet instant les gouttelettes de mauviette ont décidé qu’elles n’avaient pas apprécié l’insulte. Juju s’est donc retrouvée seule sous les trombes, sans burger et sans G.
Il lui a fallu, allez, disons dix minutes pour ressembler à... non, à rien. Elle ne ressemblait plus à rien. Et c’est également le temps qu’il a fallu à sa copine Noémie pour comprendre que Juju était en posture délicate et lui envoyer son parapluie sans se risquer à braver les gouttes, parapluie atterrissant manche en avant sur la sacoche de Juju. Ce qui était gentil mais relativement inutile, une fois imbibée jusqu’à la moelle. Pour quoi n’a-t-elle pas bougé à ce moment-là, lui demandez-vous ? Parce que c’est justement à ce moment-là, vous répondra-t-elle, que Juju a réalisé s’être enterrée jusqu’au cou.
Juju, voyez-vous, est une artiste. Dans sa sacoche, elle a tout son matériel d’artiste. Et parce que Juju est également une femme, sa sacoche contient aussi le nécessaire de survie d’une femme, à savoir maquillage, serviettes hygiéniques, téléphone, livre ou restes de déjeuner – du moins la salade ayant servi d’excuse au triple burger. Imaginez donc l’effet de 3 litres d’eau pure déversés dans un joli sac seau qui ne ferme pas, lui-même serré sur les cuisses de notre pauvre Juju recroquevillée. Et non, les serviettes hygiéniques n’ont pas absorbé le surplus.
Par quoi commencer ? La salade de carottes râpées ? Oui, Juju aime les carottes. Encore qu’après aujourd’hui, elle se dit qu’elle va passer aux betteraves, la couleur jurerait moins avec son jean. Puisque vous vous en doutez, sous l’impact du parapluie, le Tupperware a percuté la boîte d’aquarelle qui s’est ouverte sur le plumier qui a renversé l’intégralité de la trousse. L’aquarelle fait mauvais mélange avec de l’eau, mais la salade de carottes n’en fait pas moins, sans parler d’encre, mais ce n’est pourtant pas son nouveau pantalon tie and die, bavant du rose à l’orange en passant par le noir et ce, des cuisses à l’entrejambe, qui a maintenu Juju soudée à sa marche.
Non, c’est que sa trousse à Juju, le zip en était cassé. Et que le manche du parapluie, ce vicieux, ne s’était pas contenté de faire imploser carottes, encre et aquarelle, il avait atterri – Juju vous laisse imaginer la scène au ralenti – en plein sur la panse ventrue de cette pauvre trousse, qui n’avait pu faire autrement que de cracher son contenu. Et sous la panse ventrue, il y avait un tube de colle. Oui, ça y est, vous y êtes. Le pantalon de Juju n’était pas imbibé que de couleur, il était également imbibé de colle liquide, qui dorénavant abritée de la pluie par ce décidément très vicieux parapluie, avait commencé à sécher. Alors non, ce n’était pas de la glu. Mais par une journée pareille, enterrée dans le compost jusqu’aux globes oculaires, Juju se dit qu’elle n’a pas envie de défier le destin. Et que non, elle ne prendra pas le risque de quitter sa marche en y laissant son pantalon.
Parce que d’elle-même à elle-même, elle se verrait très bien dans sa chambre avec un chocolat chaud, Juju. Voire, pour le plan B, à l’abri sous les arcades, juste derrière, là où se planque G. Voire, pour le plan C, juste sous G, ce qui aurait le mérite de lui tenir chaud. Mais si tout se passait dans la vie comme dans la tête de Juju, ça se saurait, la viande pousserait sur les arbres et le monde serait peuplé de licornes. Elle a vérifié. Pas de licorne en vue.
Ce n’est pas qu’elle veuille rester là, comprenez bien, c’est la bonne vieille histoire de l’engrenage infernal. Quand on se rend compte qu’on est plus proche de Mimi Cracra à pieds joints dans une flaque que de Kate Moss avec une ombrelle, c’est déjà trop tard, l’être humain a cette fâcheuse tendance à s’enferrer dans le compost en toute conscience. Et Juju est un être humain très banal, soyons lucides, elle ne creuse jamais sa tombe en surface. Non, elle va bien au fond, jusqu’à avoir la tête bien enfouie. La preuve. Elle est à trois gouttes de la pneumonie en plein mois d’août.
Et là, tout de même, vous avez envie de lui demander mais comment t’es-tu retrouvée, petite Juju, à faire rétrécir ton jean sous la pluie, sous le regard perplexe de G, qui ne cesse de te hurler de ramener ton boule – G est un poète – et à qui tu ne cesses de répondre mais nan ça va j’adore moi j’aime la pluie ça m’aide à réfléchir, alors que concrètement, tes neurones sont en train de se liquéfier. Ce à quoi Juju vous répondra, avec beaucoup de lucidité : l’amour, et une bonne dose de… oui, bon. Stupidité.
Au départ, elle n’avait pas prévu les trombes, pour être honnête. Ils étaient assis là, sur les marches, elle parlait de sauver le monde avec G et jurait que plus jamais elle n’avalerait la moindre miette de viande, tant qu’on ne lui aurait pas prouvé l’existence de ce fameux arbre à côtelettes. Qu’elle se soit enfilé un triple burger pas du tout végétarien au déjeuner, il n’était pas censé le savoir. Et c’est là que tout a basculé. Parce que G a dit que c’était cool, une meuf avec des buts dans la life, une meuf capable de penser à autre chose qu’à son string et de kiffer sa race à la mother nature, vu que quand même la mother nature, ça envoie du lourd, rapport aux miracles de ouf genre les papillons et les volcans. Oui, elle vous l’a dit, G est un poète. Heureusement pour lui, il est également doté de la plus belle paire de fesses du quartier, ce que Juju pense important de vous préciser.
A ce moment-là, Juju estimait être déjà enterrée, disons, jusqu’à la taille. Elle y croyait encore, et cherchait une porte de sortie quand la pluie est arrivée. Oui, parce qu’on est en août, mais il pleut. Plusieurs fois par semaine. Voire, par jour. Il parait que c’est Perséphone qui débloque, mais ça, c’est une autre histoire. Donc il s’est mis à pleuvoir, de la gouttelette de mauviette, de la gouttelette de romantique, et puisqu’elle était censée être une fille en phase avec la nature, Juju a lancé un regard extatique vers le ciel. Juju maîtrise à merveille le regard extatique, elle s’est entraînée devant les burgers.
J’adore la pluie, a-t-elle lâché dans un soupir non moins extatique. Ce à quoi G, le poète, a répondu avec emphase ouais grave, ça déchire sa mère. Avant d’ajouter avec non moins d’emphase que par contre, la pluie ça mouille le falzar et qu’il préférait la mater les pompes au sec, mais qu’elle se fasse son kiff en solo, il respectait à donf le trip. Là, il s’est carapaté comme si ledit falzar avait pris feu, ce qui ne risquait pas, vu qu’à cet instant les gouttelettes de mauviette ont décidé qu’elles n’avaient pas apprécié l’insulte. Juju s’est donc retrouvée seule sous les trombes, sans burger et sans G.
Il lui a fallu, allez, disons dix minutes pour ressembler à... non, à rien. Elle ne ressemblait plus à rien. Et c’est également le temps qu’il a fallu à sa copine Noémie pour comprendre que Juju était en posture délicate et lui envoyer son parapluie sans se risquer à braver les gouttes, parapluie atterrissant manche en avant sur la sacoche de Juju. Ce qui était gentil mais relativement inutile, une fois imbibée jusqu’à la moelle. Pour quoi n’a-t-elle pas bougé à ce moment-là, lui demandez-vous ? Parce que c’est justement à ce moment-là, vous répondra-t-elle, que Juju a réalisé s’être enterrée jusqu’au cou.
Juju, voyez-vous, est une artiste. Dans sa sacoche, elle a tout son matériel d’artiste. Et parce que Juju est également une femme, sa sacoche contient aussi le nécessaire de survie d’une femme, à savoir maquillage, serviettes hygiéniques, téléphone, livre ou restes de déjeuner – du moins la salade ayant servi d’excuse au triple burger. Imaginez donc l’effet de 3 litres d’eau pure déversés dans un joli sac seau qui ne ferme pas, lui-même serré sur les cuisses de notre pauvre Juju recroquevillée. Et non, les serviettes hygiéniques n’ont pas absorbé le surplus.
Par quoi commencer ? La salade de carottes râpées ? Oui, Juju aime les carottes. Encore qu’après aujourd’hui, elle se dit qu’elle va passer aux betteraves, la couleur jurerait moins avec son jean. Puisque vous vous en doutez, sous l’impact du parapluie, le Tupperware a percuté la boîte d’aquarelle qui s’est ouverte sur le plumier qui a renversé l’intégralité de la trousse. L’aquarelle fait mauvais mélange avec de l’eau, mais la salade de carottes n’en fait pas moins, sans parler d’encre, mais ce n’est pourtant pas son nouveau pantalon tie and die, bavant du rose à l’orange en passant par le noir et ce, des cuisses à l’entrejambe, qui a maintenu Juju soudée à sa marche.
Non, c’est que sa trousse à Juju, le zip en était cassé. Et que le manche du parapluie, ce vicieux, ne s’était pas contenté de faire imploser carottes, encre et aquarelle, il avait atterri – Juju vous laisse imaginer la scène au ralenti – en plein sur la panse ventrue de cette pauvre trousse, qui n’avait pu faire autrement que de cracher son contenu. Et sous la panse ventrue, il y avait un tube de colle. Oui, ça y est, vous y êtes. Le pantalon de Juju n’était pas imbibé que de couleur, il était également imbibé de colle liquide, qui dorénavant abritée de la pluie par ce décidément très vicieux parapluie, avait commencé à sécher. Alors non, ce n’était pas de la glu. Mais par une journée pareille, enterrée dans le compost jusqu’aux globes oculaires, Juju se dit qu’elle n’a pas envie de défier le destin. Et que non, elle ne prendra pas le risque de quitter sa marche en y laissant son pantalon.