Image: http://laurenconrad.com/blog/2014/04/friday-favorites-62-easter-bunny-eggs-bath-purse-spring/
Vous les connaissez, ces gens qui vous chantent une chanson tellement bien que vous l'identifiez aussitôt ? Ces gens qui quand ils tapotent sur la table, vous offrent un orchestre de percussions au grand complet ? Ces gens qui même quand ils caressent un chat, en tirent des mélodies dignes du Roi Lion ? Ces gens qui quand ils chantent sous la douche, ne s’auto-cassent pas les oreilles en mode Céline Dion post-Titanic enrouée ET bourrée ? Des musiciens, voilà. Irène est une musicienne, une qui fait jouer ses doigts sur toutes sortes d’instruments, sans métaphore salace. Une de celles qui quand elle jouait El condor pasa à la flûte à bec au collège, ne bavait pas sur la flûte. Toujours sans métaphore salace.
Et s’il est bien une chose qui agace Irène, ce sont les gens qui pensent qu’un musicien a la vie facile. Ben quoi, tu joues, tout est contenu dans le titre, hein, tu joues et tu rentres chez toi, ça va, c’est cool, en plus tu voyages tout le temps. Heureusement avec le temps, Irène a appris à faire avec. Elle ne répond plus les heures d’entraînement, les répétitions, les sacrifices, la solitude des déplacements, les rivalités de cour d’école. Non, Irène a mûri, elle ne perd plus son temps. Elle se contente d’un doigt d’honneur discret, voire d’un coup d’archet dans les castagnettes en cas d’abus extrême.
Non, ce n’est pas facile, face de trombone, qu’elle se dit. La musique est un tyran et qui a dit que les c*** n’avaient pas infiltré le monde de la note parfaite ? En principe à ce stade, elle soupire lourdement, visualisant à son cerveau défendant le visage de son nouveau chef d’orchestre, subtil croisement entre Joffrey de Game of Thrones et le chef Skinner de Ratatouille. Un être délicieux. Qui, le pauvre, passe des moments très difficiles à tenter de comprendre pourquoi Irène refuse obstinément de lui astiquer la baguette en coulisses.
Voilà pourquoi ce soir, après une harassante journée à surveiller les mouvements de baguette du chef d’orchestre au propre comme au figuré, Irène avait un problème : trouver un moyen de se détendre très vite, sous peine de transformer son chef en castrat. Ce qui, inutile de le dire, n’aiderait pas sa carrière. A elle. Parce que lui, peut-être serait-il plus efficace en castrat qu’en… bref.
Il faut savoir une chose à propos d’Irène, c’est qu’elle a une baignoire dans son jardin. Et puisque vous allez lui demander pourquoi, elle vous répondra que non, ce n’est pas une lubie d’artiste : quand elle a loué la maison, il y avait une baignoire dans le jardin. Voilà. Elle a évité de demander si quelqu’un y était mort. Elle s’est dit qu’un truc pareil, une fois rempli de glaçons, serait bien utile pour garder les bières au frais lors des sérénades entre collègues, ces rassemblements supposés constituer une élite intellectuelle prête à refaire le monde autour d’un verre de grand vin entre artistes raffinés. Et qui concrètement, s’achèvent la plupart du temps en sarabande imbibée autour du barbecue, voire avec une violoncelliste à poil sur la pelouse.
Alors pour la première fois, ce soir, considérant d’un œil perplexe les rayons du soleil couchant sur l’émail, Irène a pensé tiens, et si j’y mettais autre chose que des glaçons. Genre, moi, avant de virer cocotte-minute hystérique psychopathe. Un bon bain de jouvence à décadence romaine, voilà de quoi me faire oublier une baguette arrogante.
Ni une ni deux, Irène a récuré l’émail et passé trente minutes à jongler avec la bouilloire, thermomètre en main. Un bain de jouvence, ça se mérite. Elle a raboté ses massifs pour fleurir sa piscine improvisée, ajouté des sels de bain, lancé un fond musical pour soutenir les oiseaux, allumé une dizaine de bougies, s’est préparée une pile de magazines zéro neurones et vogue la galère. A elle la décadence.
Ah, l’air frais du soir sur sa peau. Ou autrement dit, c’est bizarrement libérateur d’être cul nu dans son jardin, Irène se sentait prête à toutes les audaces. La preuve, elle s’est immergée sans hésiter dans son bain thérapeutique, admirant le vernis amande de ses ongles de pieds et tentant d’éviter les épines qu’elle n’avait pas pensé à retirer des roses. Elle n’avait même plus envie d’en sortir pour aller scier une baguette à coups d’archet. Et tout ça a bien duré, disons, dix minutes. Au moins.
C’est qu’à la fin des dix minutes, le cerveau débarrassé de toute pensée négative, Irène a repris conscience de son environnement. Elle s’est souvenue que si elle vivait dans une maison avec jardin, elle avait tout de même des voisins. Elle s’est souvenue aussi que sa gentille voisine venait souvent lui déposer des plats maison ou arroser le jardin quand elle rentrait tard, et que pour savoir si Irène rentrait tard, la gentille voisine passait la tête par-dessus la haie. Là, elle a paniqué.
Si, si, disons-le. Elle a paniqué. Sans quoi elle n’aurait pas voulu sortir en quatrième vitesse de la baignoire. Sa main n’aurait pas glissé sur le rebord, son pied n’aurait pas marché sur une fleur, la fleur n’aurait pas dérapé et Irène n’aurait pas atterri à plat ventre sur les bougies, le menton sur la pelouse et un pied toujours dans la baignoire. Son hurlement n’aurait pas alerté les voisins de gauche, ceux dont la maison possède deux étages. Ils n’auraient pas ouvert les fenêtres, tous les six, et ils n’auraient pas vu la belle Irène dégouliner sur des magazines zéro neurones, une rose sur le fessier.
Et d’ailleurs, si elle avait eu des voisins moins c***, ils seraient venus la couvrir avant d’appeler les pompiers.
Et s’il est bien une chose qui agace Irène, ce sont les gens qui pensent qu’un musicien a la vie facile. Ben quoi, tu joues, tout est contenu dans le titre, hein, tu joues et tu rentres chez toi, ça va, c’est cool, en plus tu voyages tout le temps. Heureusement avec le temps, Irène a appris à faire avec. Elle ne répond plus les heures d’entraînement, les répétitions, les sacrifices, la solitude des déplacements, les rivalités de cour d’école. Non, Irène a mûri, elle ne perd plus son temps. Elle se contente d’un doigt d’honneur discret, voire d’un coup d’archet dans les castagnettes en cas d’abus extrême.
Non, ce n’est pas facile, face de trombone, qu’elle se dit. La musique est un tyran et qui a dit que les c*** n’avaient pas infiltré le monde de la note parfaite ? En principe à ce stade, elle soupire lourdement, visualisant à son cerveau défendant le visage de son nouveau chef d’orchestre, subtil croisement entre Joffrey de Game of Thrones et le chef Skinner de Ratatouille. Un être délicieux. Qui, le pauvre, passe des moments très difficiles à tenter de comprendre pourquoi Irène refuse obstinément de lui astiquer la baguette en coulisses.
Voilà pourquoi ce soir, après une harassante journée à surveiller les mouvements de baguette du chef d’orchestre au propre comme au figuré, Irène avait un problème : trouver un moyen de se détendre très vite, sous peine de transformer son chef en castrat. Ce qui, inutile de le dire, n’aiderait pas sa carrière. A elle. Parce que lui, peut-être serait-il plus efficace en castrat qu’en… bref.
Il faut savoir une chose à propos d’Irène, c’est qu’elle a une baignoire dans son jardin. Et puisque vous allez lui demander pourquoi, elle vous répondra que non, ce n’est pas une lubie d’artiste : quand elle a loué la maison, il y avait une baignoire dans le jardin. Voilà. Elle a évité de demander si quelqu’un y était mort. Elle s’est dit qu’un truc pareil, une fois rempli de glaçons, serait bien utile pour garder les bières au frais lors des sérénades entre collègues, ces rassemblements supposés constituer une élite intellectuelle prête à refaire le monde autour d’un verre de grand vin entre artistes raffinés. Et qui concrètement, s’achèvent la plupart du temps en sarabande imbibée autour du barbecue, voire avec une violoncelliste à poil sur la pelouse.
Alors pour la première fois, ce soir, considérant d’un œil perplexe les rayons du soleil couchant sur l’émail, Irène a pensé tiens, et si j’y mettais autre chose que des glaçons. Genre, moi, avant de virer cocotte-minute hystérique psychopathe. Un bon bain de jouvence à décadence romaine, voilà de quoi me faire oublier une baguette arrogante.
Ni une ni deux, Irène a récuré l’émail et passé trente minutes à jongler avec la bouilloire, thermomètre en main. Un bain de jouvence, ça se mérite. Elle a raboté ses massifs pour fleurir sa piscine improvisée, ajouté des sels de bain, lancé un fond musical pour soutenir les oiseaux, allumé une dizaine de bougies, s’est préparée une pile de magazines zéro neurones et vogue la galère. A elle la décadence.
Ah, l’air frais du soir sur sa peau. Ou autrement dit, c’est bizarrement libérateur d’être cul nu dans son jardin, Irène se sentait prête à toutes les audaces. La preuve, elle s’est immergée sans hésiter dans son bain thérapeutique, admirant le vernis amande de ses ongles de pieds et tentant d’éviter les épines qu’elle n’avait pas pensé à retirer des roses. Elle n’avait même plus envie d’en sortir pour aller scier une baguette à coups d’archet. Et tout ça a bien duré, disons, dix minutes. Au moins.
C’est qu’à la fin des dix minutes, le cerveau débarrassé de toute pensée négative, Irène a repris conscience de son environnement. Elle s’est souvenue que si elle vivait dans une maison avec jardin, elle avait tout de même des voisins. Elle s’est souvenue aussi que sa gentille voisine venait souvent lui déposer des plats maison ou arroser le jardin quand elle rentrait tard, et que pour savoir si Irène rentrait tard, la gentille voisine passait la tête par-dessus la haie. Là, elle a paniqué.
Si, si, disons-le. Elle a paniqué. Sans quoi elle n’aurait pas voulu sortir en quatrième vitesse de la baignoire. Sa main n’aurait pas glissé sur le rebord, son pied n’aurait pas marché sur une fleur, la fleur n’aurait pas dérapé et Irène n’aurait pas atterri à plat ventre sur les bougies, le menton sur la pelouse et un pied toujours dans la baignoire. Son hurlement n’aurait pas alerté les voisins de gauche, ceux dont la maison possède deux étages. Ils n’auraient pas ouvert les fenêtres, tous les six, et ils n’auraient pas vu la belle Irène dégouliner sur des magazines zéro neurones, une rose sur le fessier.
Et d’ailleurs, si elle avait eu des voisins moins c***, ils seraient venus la couvrir avant d’appeler les pompiers.