Source image : Licence Paternité Certains droits réservés par Gattospino sur Flickr
Bien sûr, que ça partait d’une bonne intention. Bien sûr, qu’elle va faire semblant. Mais croyez-la quand elle vous dit que ce n’est pas facile. Vous comprenez, Fanny, elle aime la mode. Et les stars. Et les évènements. En fait, elle aime tout ce qui sort de l’ordinaire, ce qui chahute un peu sa routine, une dose de paillettes dans sa vie quotidienne. Alors pour elle, Cannes, c’était un fantasme. Arpenter la Croisette, se pomponner deux heures pour mieux se faire refuser l’entrée des boîtes sélect, traquer Channing Tatum et défaillir devant Ryan Gosling. Dormir trois heures par nuit, écluser les Mojitos et se ridiculiser au pied des marches. Revivre son adolescence, quoi.
C’est que dormir trois heures par nuit, Fanny connait : elle a deux enfants. Encore aujourd’hui, alors qu’ils sont presque adolescents, elle se demande comment elle a survécu, et la plupart du temps conclut en se disant que ce n’était rien, à côté de ce qui l’attend. Puisqu’avoir deux filles qui filent droit vers l’adolescence, hein… comment vous dire qu’elle risque d’en avoir encore un paquet, des nuits blanches.
Bref. Ça partait d’une belle, une merveilleuse intention. Comme quoi parfois, les enfants écoutent. En l’occurrence, ils ont bien écouté maman qui bavait devant les retransmissions du festival de Cannes, égrenant les « un jour », « juré », « peut-être », « bientôt », les « oh la robe », « le rêve », et « moi aussi ». Et pour la fête des mères, les filles l’ont fait.
Fait quoi ? Mise en situation. Vendredi 23 mai 2014, veille de clôture du festival. Fanny rentre chez elle après une dure journée de travail, prête à s’affaler devant Le Grand Journal, histoire de s’infuser sa dose quotidienne de tapis rouge. Les enfants le savent, on ne dérange pas maman pendant la montée des marches, et ce n’est pas faute de lui avoir fait remarquer, à maman, à quel point c’était beauf, son truc de vieille ringarde. Dans les dents, maman. Le premier signe avant-coureur de l’adolescence s’est annoncé ainsi : la répartie qui fait mouche. Ou plutôt, qui fait regretter la ligature des trompes manquée, l’espace de quelques secondes.
Toujours est-il que ce soir-là, au grand dam de Fanny, voici ses deux préados qui s’avancent, frange en avant. M’man. Pas maintenant, mes chéries. M’man, s’teup. Juste cinq minutes, ma puce. M’man, vas-y deux secondes ‘tain ! Là, c’était fichu. Fanny a des principes, les gros mots n’en font pas partie, il lui fallait sévir. Tu les aimes, Fanny. Si si. C’est ça ou tes vergetures n’auront servi à rien. Sévis.
C’est donc avec une motivation sans faille que Fanny a coupé le son, s’est redressée sur le canapé et a pivoté pour faire face à la chair de sa chair, prête pour un sermon pas du tout cannois. Annabelle, tu sais que… bam. Chique coupée. Imaginez un peu le tableau : Annabelle, debout dans l’encadrement de la porte, un bouquet de fleurs très mal caché et visiblement arraché du jardin dans le dos, Chloé une enveloppe rouge dans les mains, et à leurs pieds, deux sacs de voyage. Derrière elle, le fier papa, manifestement aussi déstabilisé que sa douce.
Bonne fête maman ! Fanny a consulté la date sur son portable, histoire de vérifier que la fête des mères, c’était bien dimanche. C’était bien dimanche. Mais le cadeau ne pouvait pas attendre dimanche, a patiemment expliqué Chloé. C’est la plus jeune, la morgue adolescente est moins profonde, elle a pu préciser sans une seule critique que pour la fête des mères, elles emmenaient maman à Cannes et qu’il fallait y aller maintenant parce que ça se terminait demain, le machin.
Cannes. Cannes. Fanny en est restée coite. Cannes ? Mais quoi ? Comment ? Allez maman, on y va, on a des billets de train. Des billets de train ? Mais quand ? Dans une heure. Mais… m’man c’est ton cadeau et on a galéré grave alors arrête de faire ta relou ! On a même préparé ton sac !
Inspirer. Expirer. Comment ruiner pareil cadeau ? Ses enfants l’écoutaient donc vraiment, prenaient note de ses envies ? Certes, ce ne serait pas l’orgie festive que Fanny avait en tête, avec mari et enfants. Mais après tout, pourquoi pas ? Un poil de folie, que diable ! Elle pourrait toujours abandonner les filles à leur père pour squatter les environs de la cérémonie de clôture. Sous le regard perdu de son mari, Fanny a haussé les épaules et quitté son canapé. En route pour l’aventure, les enfants !
Ah, elles ont sorti le grand jeu, les filles. A peine arrivés à la gare, bandeau sur les yeux jusqu’au terminus. Ce qui n’a pas empêché Fanny de découvrir que si ses rejetons avaient cassé leur tirelire pour acheter les billets de train, elles n’avaient pas poussé la réflexion jusqu’à prévoir l’hôtel. Allez faire des reproches après un truc pareil, vous. Fanny n’a pas moufté, sa douce moitié, pas plus, chavirés qu’ils étaient par la générosité de leur progéniture. Mais il lui a serré la main très fort, se préparant sans doute lui aussi à passer la nuit sur un banc.
Qu’est-ce-qui lui a mis la puce à l’oreille ? La rapidité du trajet, peut-être. Même avec un bandeau sur les yeux, ça lui a semblé court. Ou l’air frais en plein brushing à la descente du train, sinon. Quoi qu’il en soit, elle s’est demandé comment s’en sortir. Comment expliquer sans ruiner l’initiative filiale ô combien touchante qu’au moins, pour le coup, ils devraient pouvoir dénicher un hôtel sans trop de problèmes. Mais que la ville du festival, c’était Cannes. Avec un C. Pas Vannes. Avec un V. Bonne fête maman. Pour les paillettes, tu repasseras.
C’est que dormir trois heures par nuit, Fanny connait : elle a deux enfants. Encore aujourd’hui, alors qu’ils sont presque adolescents, elle se demande comment elle a survécu, et la plupart du temps conclut en se disant que ce n’était rien, à côté de ce qui l’attend. Puisqu’avoir deux filles qui filent droit vers l’adolescence, hein… comment vous dire qu’elle risque d’en avoir encore un paquet, des nuits blanches.
Bref. Ça partait d’une belle, une merveilleuse intention. Comme quoi parfois, les enfants écoutent. En l’occurrence, ils ont bien écouté maman qui bavait devant les retransmissions du festival de Cannes, égrenant les « un jour », « juré », « peut-être », « bientôt », les « oh la robe », « le rêve », et « moi aussi ». Et pour la fête des mères, les filles l’ont fait.
Fait quoi ? Mise en situation. Vendredi 23 mai 2014, veille de clôture du festival. Fanny rentre chez elle après une dure journée de travail, prête à s’affaler devant Le Grand Journal, histoire de s’infuser sa dose quotidienne de tapis rouge. Les enfants le savent, on ne dérange pas maman pendant la montée des marches, et ce n’est pas faute de lui avoir fait remarquer, à maman, à quel point c’était beauf, son truc de vieille ringarde. Dans les dents, maman. Le premier signe avant-coureur de l’adolescence s’est annoncé ainsi : la répartie qui fait mouche. Ou plutôt, qui fait regretter la ligature des trompes manquée, l’espace de quelques secondes.
Toujours est-il que ce soir-là, au grand dam de Fanny, voici ses deux préados qui s’avancent, frange en avant. M’man. Pas maintenant, mes chéries. M’man, s’teup. Juste cinq minutes, ma puce. M’man, vas-y deux secondes ‘tain ! Là, c’était fichu. Fanny a des principes, les gros mots n’en font pas partie, il lui fallait sévir. Tu les aimes, Fanny. Si si. C’est ça ou tes vergetures n’auront servi à rien. Sévis.
C’est donc avec une motivation sans faille que Fanny a coupé le son, s’est redressée sur le canapé et a pivoté pour faire face à la chair de sa chair, prête pour un sermon pas du tout cannois. Annabelle, tu sais que… bam. Chique coupée. Imaginez un peu le tableau : Annabelle, debout dans l’encadrement de la porte, un bouquet de fleurs très mal caché et visiblement arraché du jardin dans le dos, Chloé une enveloppe rouge dans les mains, et à leurs pieds, deux sacs de voyage. Derrière elle, le fier papa, manifestement aussi déstabilisé que sa douce.
Bonne fête maman ! Fanny a consulté la date sur son portable, histoire de vérifier que la fête des mères, c’était bien dimanche. C’était bien dimanche. Mais le cadeau ne pouvait pas attendre dimanche, a patiemment expliqué Chloé. C’est la plus jeune, la morgue adolescente est moins profonde, elle a pu préciser sans une seule critique que pour la fête des mères, elles emmenaient maman à Cannes et qu’il fallait y aller maintenant parce que ça se terminait demain, le machin.
Cannes. Cannes. Fanny en est restée coite. Cannes ? Mais quoi ? Comment ? Allez maman, on y va, on a des billets de train. Des billets de train ? Mais quand ? Dans une heure. Mais… m’man c’est ton cadeau et on a galéré grave alors arrête de faire ta relou ! On a même préparé ton sac !
Inspirer. Expirer. Comment ruiner pareil cadeau ? Ses enfants l’écoutaient donc vraiment, prenaient note de ses envies ? Certes, ce ne serait pas l’orgie festive que Fanny avait en tête, avec mari et enfants. Mais après tout, pourquoi pas ? Un poil de folie, que diable ! Elle pourrait toujours abandonner les filles à leur père pour squatter les environs de la cérémonie de clôture. Sous le regard perdu de son mari, Fanny a haussé les épaules et quitté son canapé. En route pour l’aventure, les enfants !
Ah, elles ont sorti le grand jeu, les filles. A peine arrivés à la gare, bandeau sur les yeux jusqu’au terminus. Ce qui n’a pas empêché Fanny de découvrir que si ses rejetons avaient cassé leur tirelire pour acheter les billets de train, elles n’avaient pas poussé la réflexion jusqu’à prévoir l’hôtel. Allez faire des reproches après un truc pareil, vous. Fanny n’a pas moufté, sa douce moitié, pas plus, chavirés qu’ils étaient par la générosité de leur progéniture. Mais il lui a serré la main très fort, se préparant sans doute lui aussi à passer la nuit sur un banc.
Qu’est-ce-qui lui a mis la puce à l’oreille ? La rapidité du trajet, peut-être. Même avec un bandeau sur les yeux, ça lui a semblé court. Ou l’air frais en plein brushing à la descente du train, sinon. Quoi qu’il en soit, elle s’est demandé comment s’en sortir. Comment expliquer sans ruiner l’initiative filiale ô combien touchante qu’au moins, pour le coup, ils devraient pouvoir dénicher un hôtel sans trop de problèmes. Mais que la ville du festival, c’était Cannes. Avec un C. Pas Vannes. Avec un V. Bonne fête maman. Pour les paillettes, tu repasseras.