45
— Tu ne vas pas rester toute seule ici, enfin, c’est ridicule ! Bon sang, ce que tu peux être bornée !
— C’est l’hôpital qui se fout de la charité, rétorque Sarah sans ciller. J’ai besoin d’avancer sur les plans, et ce n’est pas là-bas que j’y arriverai ! Tout roule, tu n’as pas besoin de moi et tu le sais, je promets de rester enfermée à double tour et de t’appeler toutes les deux heures, ok ?
Cassie plisse les yeux. Non, pas ok. Elle a mal dormi, a fait cramer ses toasts, elle ne veut pas passer la journée à penser à sa meilleure amie, seule dans un appartement connu de l’ennemi. Malheureusement, la dite meilleure amie est probablement plus têtue encore que l’ennemi en question.
— Tête de pioche, bougonne-t-elle, noyant sa tartine carbonisée dans le café.
— Tête d’enclume, réplique Sarah.
Totalement insensible à leur joute matinale, Julie s’approvisionne en céréales sur l’étagère où s’alignent une dizaine de boîtes, d’ores et déjà fidèle au rituel matinal. Comment, pourquoi ont-elles commencé à prendre leurs petits déjeuners ensemble ? Cassie ne s’en souvient même pas. Les travaux chez Sarah ! Sarah voulait aller à l’hôtel, Cassie lui a offert des petits déjeuners dignes d’un buffet d’hôtel. L’appartement a été rénové, le rituel est resté.
— Bon, conclut Sarah, beurrant une nouvelle tartine. Si tu as fini de bouder, tu m’expliques ce qui te met de si mauvaise humeur ?
— J’hésite, marmonne-t-elle. Difficile de choisir entre le pervers dans ma tête, l’actrice pleine d’avenir reposant à la morgue ou cette pauvre petite vieille avec la tête en sang.
— Tu as entendu mon père. La vieille est dans un coma artificiel, elle s’en sortira, et sa chambre est gardée. Alors arrête de jouer à la plus maline ou je te noie dans ton café plein de miettes cramées.
— Mal dormi, avoue finalement Cassie avec un sourire.
— Où est Raph ?
— Sous la douche.
— D’accord. Mal dormi à cause de…
— J’ai rêvé de Ian.
— De Ian ? Crachouille Sarah, la bouche pleine de confiture. C’est nouveau.
— Euh… pardon, intervient Julie, mais Cassie, si tu veux que je vous laisse, je peux…
Sa longue chevelure corbeau rassemblée en queue de cheval, ses yeux bleus encore embrumés surmontant un T-shirt « eat me », Julie fait déjà partie de la famille, et Cassie s’étonne de se l’avouer. Mais elle rend visiblement Sarah heureuse. Et dans tous les cas, une femme capable de rester stoïque en entendant parler tueur en série et voix dans la tête après deux semaines de relation mérite le respect.
— Non. A moins que toi, tu en aies marre d’entendre parler de meurtres au petit déjeuner comme n’importe quelle femme normalement…
— Je ne suis pas n’importe quelle femme, la coupe Julie, prenant place derrière un bol à rayures.
— Nan, renchérit Sarah. C’est la mienne.
— Garde-la ou je change de bord, sourit Cassie.
— C’est qui, Ian ? Demande Julie.
— Mon mari. Ex. Comment on dit, pour une veuve ?
— La vache ! S’exclame brusquement Sarah.
Cassie tressaille, Julie de même, expédiant une céréale rouge dans le café de sa compagne.
— Quoi ? S’étonne Cassie.
— Ton alliance ! Tu as retiré ton alliance !
— Ah. Ça. Oui.
— Ma poule, je ne t’ai jamais vue sans ton alliance. N’imagine pas t’en sortir sans explication.
— C’est juste… je me pose beaucoup de questions sur Ian, en ce moment. Le fait d’être avec Raph, ça réveille pas mal de souvenirs, et…
— Il te manque.
— Justement, non.
— Explique, ordonne Sarah, repoussant son assiette vide pour poser les coudes sur la table.
— Avec Raph, je découvre des choses. Des choses que je n’ai jamais connues avec Ian.
— Comme ?
Cassie avale une gorgée de café. Le simple fait de mettre des mots sur ce genre de pensées lui donne l’impression de trahir un mari mort à sa place, mais elle a trop besoin de le faire.
— Ian ne m’a jamais fait l’amour en me regardant, en me regardant vraiment, comme si j’étais la plus belle chose qui lui soit arrivée. Il ne m’a jamais promis monts et merveilles d’un simple coup d’œil. Il ne m’a jamais touchée avec autant de… de passion, de respect, de tendresse, d’admiration. Il ne m’a jamais écoutée comme si rien n’était plus important que ce que j’avais à dire, il ne s’est jamais mis en quatre juste pour me faire rire, parce qu’il avait deviné à un simple froncement de sourcils que j’étais triste ou agacée.
Un silence s’abat sur la tablée, et Cassie jette un coup d’œil en direction de la salle de bains. La porte en est toujours fermée.
— Il ne m’a jamais juchée sur son épaule pour me jeter dans le bain, il n’a jamais roulé sous la table avec moi et n’a jamais pesté contre mes petites manies. En fait, confie-t-elle à regret, je crois qu’il s’en foutait.
— Mince alors, souffle Sarah. Cassie, je sais que ça ne va pas te plaire, mais il faut que quelqu’un te le dise. Ton Ian était un idiot.
— Non ! Non, simplement, il était… différent. S’il n’avait pas été là après la mort de mes parents, je ne sais pas ce que j’aurais fait. J’étais en miettes, c’est lui qui m’a aidée à me reconstruire. S’il n’avait pas été là…
— Oui, d’accord. Je veux bien. Mais il ne savait pas t’aimer. Et toi, dans tout ça ? Est-ce-que tu l’aimais ?
— Bien sûr.
— Tu réponds par habitude.
— Oui. Je ne sais plus, et c’est bien ce que j’ai du mal à accepter. En tous cas, j’ai cru l’aimer. Avant la mort de mes parents, je n’avais jamais envisagé de l’épouser, et puis tout a changé, il était là… je faisais avec, je crois, parce que j’avais trop besoin de lui. J’avais l’impression que je lui devais quelque chose, pour ne pas me laisser, alors j’essayais de m’adapter à ce qu’il voulait, mais…
— Bon sang, Cassie… il t’aura fallu attendre trente-deux ans pour découvrir ce qu’est une vraie relation…
— Faut croire, marmonne-t-elle. Mais ça me rend malade ! Il est mort, et à cause de moi ! A quoi ça sert de ressasser tout ça, de cracher sur ce qu’il a été et de salir des souvenirs que j’embellissais depuis des années ? Des fois, j’en veux à Raph, parce que… parce que…
— Parce que je t’offre ce que tu mérites ?
Cassie pivote d’un bond sur son tabouret. Appuyé contre le chambranle de la porte, bras croisés, pieds nus et mèche en bataille, Raph la contemple. Et elle le connait à présent suffisamment pour capter l’étincelle de colère derrière son apparente nonchalance.
— D’accord. Euh… bon.
Sarah glisse précipitamment son assiette dans le lave-vaisselle, attrape Julie par la main et disparait par la porte. Raph ne bouge pas, Cassie non plus. Ils se dévisagent longuement. Puis, la première, elle lui tourne le dos dans un mouvement d’humeur.
— Désolée que tu aies entendu ça, lâche-t-elle. C’était une conversation de fille.
— Non, rectifie-t-il, venant s’assoir en face d’elle. C’est une conversation qu’on aurait dû avoir tous les deux. Cassie, je t’ai dit que je ne cherchais pas à prendre sa place !
— Je sais.
— Tu ne peux pas me reprocher de t’ai…
— Je ne te le reproche pas.
— Alors je ne sais pas quoi te dire. Tu as visiblement un problème avec la mémoire de ton mari, ce que je peux comprendre. Un autre avec le fait que je te traite comme il aurait dû le faire, ce que j’ai plus de mal à comprendre.
Cassie soupire, se frottant le visage des deux mains.
— Raph, cette conversation ne t’était pas destinée. J’avais besoin de lâcher du lest avec une amie, parce que j’ai mal dormi, parce que oui, que tu le veuilles ou non, ce que je vis avec toi change complètement l’éclairage de ce que j’ai vécu avec lui, et c’est comme ça, c’est douloureux.
— Je ne comprends pas, Cassie. Je ne comprends pas que tu ne m’en aies pas parlé. Qu’est-ce-que je dois faire pour que tu te confies à moi ?
— Mais bon dieu, Raph, tu crois que c’est facile ? S’écrie-t-elle, se levant subitement pour ranger son bol dans le lave-vaisselle. C’est la première fois que je l’admets, que j’en parle à voix haute. Alors non, je n’ai pas envie de cracher sur mon mari décédé avec celui qui me donne envie de lui cracher dessus.
Elle lui fait face, appuyée contre l’évier.
— Et oui, parfois, je t’en veux d’avoir bouleversé ma vie, de m’obliger à faire face à des choses que j’ai rangées, enfouies, classées. Parce que c’est difficile, parce que c’était plus simple avant. Parce que ce que tu… ce que je ressens pour toi prend beaucoup de place et que je ne sais pas trop comment m’en accommoder. Parce que j’ai du mal à admettre que…
Elle prend une profonde inspiration.
— Que Ian, s’il m’aimait, ne m’aimait pas comme je l’aurais voulu. Et que malgré ça, il l’a payé de sa vie.
Sa voix se brise sur le dernier mot. Tant pis. Sans un regard pour Raph, elle se détourne et sort de la pièce au pas de charge, prête à déborder.
Raph est terrassé. Il a été lamentable, par une jalousie totalement déplacée, parce que l’entendre dire qu’elle lui en voulait l’a blessé, parce que l’entendre le comparer à ce type après les découvertes de la veille l’a vexé. Il a réagi sous le coup des mots, sans réfléchir à leur véritable sens.
Il jure copieusement, se passe une main dans les cheveux et se dirige vers le couloir. Ne reste qu’à se confondre en excuses. Il ouvre la porte de la salle de bains. N’y voyant personne, passe la tête dans le bureau, puis continue vers la chambre. Vide. Il s’apprête à en sortir quand, par acquis de conscience, il décide de vérifier l’immense dressing au fond de la pièce. Elle est là. Recroquevillée entre une pile de chaussures et un assortiment de robes bariolées, Cassie pleure en silence.
Il lâche un nouveau juron. Quel naze. Mais quel gros naze il est. Cassie pleure, ce qui est déjà suffisant pour le réduire en cendres. Mais Cassie ne sait pas pleurer, elle ne peut que déborder. Le tsunami du siècle, comme si tout son être se retirait pour mieux déferler, et le tout dans un silence terrifiant.
Ce n’est pas la première fois qu’il la voit dans cet état. Mais cette fois c’est sa faute et ça, c’est pire que tout. Il se penche doucement, passe un bras sous ses cuisses tétanisées, un autre dans son dos raide et la soulève sans efforts.
— Cassie, pardon, je suis désolé. J’ai été nul. Ecoute, je… je ne sais pas quoi dire pour me rattraper. Je comprends, tu sais, souffle-t-il en la déposant au creux de la couette, dans la chaleur du lit. Je te le jure que je comprends.
Il se faufile à ses côtés, et alors qu’elle se roule en boule, les paupières obstinément closes, se déploie contre son dos comme une pieuvre sur un crabe. Elle lutte pour reprendre contenance, il le sent. Il la plaque juste dans le creux de son bassin, l’enfouit dans son torse et l’enveloppe de ses bras.
— Laisse-toi aller, chuchote-t-il contre ses cheveux. Vas-y, laisse sortir tout ça. Je suis tellement désolé. Cassie, je… c’est vrai, tu sais. Tu es ce qui m’est arrivé de plus beau depuis longtemps. Tu es mon miracle. Depuis la mort de mes parents, moi aussi, j’avais du mal à… à donner. Mais avec toi… avec toi, je vis, vraiment, et c’est tellement naturel. Bon sang, je pourrais m’arracher les deux bras pour t’avoir mise dans cet état ! Je n’ai pas fait attention, j’étais seulement jaloux. Tu mérites tant, ça me rend fou que tu n’aies pas toujours été couverte d’amour et d’attentions.
Alors, seulement, Cassie allume le son. Il la garde tout conte lui, encaissant chaque hoquet, chaque gémissement comme une gifle, l’inondant de paroles et d’excuses jusqu’à ce que ses sanglots s’écroulent, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que spasmes, élans vitaux d’un corps qui se cherche. Jusqu’à ce qu’il l’entende pouffer en réponse à une énième tentative d’humour. Enfin, il la retourne délicatement et prend son visage en coupe entre ses mains.
— Je suis tellement désolé, Cassie, murmure-t-il, embrassant ses joues humides. Je t’ai abîmée. Je m’étais juré que jamais, jamais, ça n’arriverait.
— Je le suis depuis longtemps, abîmée, bredouille-t-elle.
— Alors laisse-moi te retaper. Il te restera une ou deux soudures, éventuellement quelques agrafes, mais je vais te raccommoder tout ça. Je te le promets.
— Tu es dingue, souffle-t-elle.
— Oui, de toi. Cassie, tu te rends bien compte que ce que tu vois de moi, c’est toi qui le provoques ? Tu tires le meilleur de moi, dans tous les domaines, et ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Je te signale, en plus, que moi aussi, je suis tout cabossé à l’intérieur. Rien à voir avec ta casse automobile de compétition, d’accord, mais quand même. On se ressemble, toi et moi.
— Même pas vrai, renifle-t-elle. J’ai des seins.
— Très juste. Des jolis, même, approuve-t-il, dessinant les intéressés du bout des doigts.
— Je n’ai jamais connu le sexe après la tempête, chuchote-t-elle, les yeux fermés. Montre-moi.
— D’accord. Mais c’est vraiment pour rendre service.
C’est une démonstration magistrale. Mais de sa part, à elle. Lorsque Cassie lui libère les hanches, du miel court dans les veines de Raph, épais, bouillant, onctueux, remontant jusqu’à son cœur et le traversant de part en part. Pour la première fois, consciente ou pas, elle s’est donnée corps et âme, songe-t-il, détaillant le visage pâle sur l’oreiller enflammé de boucles rousses.
— La vache, marmonne-t-il, l’attirant contre lui.
— Ouais.
Cassie contemple un instant les ondes bleutées affleurant sur sa propre peau. Raph enjambe ses verrous sans scrupules, sans le savoir, sans l’envahir, sans se livrer. Il lui a offert une déferlante bleutée, l’obligeant à baisser sa garde, à libérer sa propre couleur et y accueillir celle de Raph. Elle n’avait jamais vécu pareille communion, et ignore si elle en est bouleversée ou terrifiée. Dans le doute, elle roule hors de ses bras et s’échappe du lit.
Raph sourit. La fuite est une seconde nature, pour Cassie. Mais dorénavant, elle écoute avant de fuir, parle même parfois, et de plus en plus souvent, hésite. Il la regarde enfiler un étroit pantalon bleu poudré sur une adorable culotte violette couverte de papillons. Ça lui suffit, à lui.
Elle attrape un T-shirt violet couvert des mêmes papillons que sa culotte et il secoue la tête, émerveillé par la simplicité du stratagème. Chaque fois qu’il croisera le T-shirt, il pensera à la culotte. Brillant. La journée s’annonce compliquée.
— Cassie… souffle-t-il parce qu’il a besoin de le dire. Je suis désolé de t’avoir blessée. Vraiment. Si tu veux me parler de ton mari, je suis là, si tu veux en parler à Sarah, je comprends. J’ai appris ma leçon. Par contre, même pour t’épargner les remises en question que tu traverses, je ne cèderai pas un pouce de terrain à un fantôme.
Cassie grimace, calant sa boucle coupée derrière une oreille. Oui, Ian est un fantôme érigé en demi-dieu autour duquel elle a peu à peu bâti sa forteresse. Forteresse que Raph, envers et contre tout, transforme peu à peu en maisonnette chaleureuse, dans laquelle Ian et son piédestal ne rentrent plus.
Lorsqu’elle se rapproche du lit, entre le pantalon, le T-shirt et les cheveux, Raph en prend plein les yeux. Allez savoir pourquoi, il adore ses débordements colorimétriques.
— Je ne t’en veux pas, soupire-t-elle. Au fond, je crois même que je comprends ta réaction, mais je n’aurais simplement pas pu te parler avant Sarah. Avec elle, c’est neutre. Avec toi, j’aurais fait attention, et j’avais besoin de formuler les choses telles qu’elles sont. C’est juste une nouvelle phase à digérer, ajoute-t-elle en triturant la couette. Ça passera. Tu es le premier à lui faire concurrence et tu me fais prendre conscience de toutes ses faiblesses, à lui.
Voilà. Cassie a parlé, elle va donc bientôt fuir, Raph sort sa botte secrète.
— Pardon d’être parfait, lance-t-il avec un grand sourire.
Cassie éclate de rire, soulagée de changer de sujet.
— Ne te fais pas d’illusions non plus. Maintenant, tu devrais songer à couvrir ton sabre laser, il est huit heures et on est en retard.
— Attends, lance-t-il en s’emparant de sa main. Et au passage, merci pour le sabre laser. Cassie, tu es la femme la plus forte que j’aie jamais rencontrée. Peu de gens auraient survécu à ce que tu as enduré. Moi je t’admire, je veux que tu le saches.
Ouh là, c’est qu’il est téméraire, la déclaration est osée. Raph se plante bien droit dans ses yeux et patiente.
Cassie retient son souffle. Chavirée. Parce que des mots pareils, comblent ses fissures, et que comble du ridicule, un index ne lui appartenant pas dessine avec insistance des cœurs enduits de paillettes bleues sur sa paume. Autant se rendre à l’évidence. Ridicule ou pas, son cerveau aime les cœurs.
Raph, lui aussi, retient son souffle, parce que Cassie est toujours là et qu’elle contemple sa main sans pour autant la récupérer, apparemment au comble de l’embarras.
— Je voulais te dire… murmure-t-elle.
Cassie se fait violence. Elle relève le nez et le dévisage, tirant sur sa boucle coupée de sa main libre. Pas la peine de l’avoir fait si c’est pour qu’il ne voie rien, hein.
— Mon alliance, lâche-t-elle finalement.
Raph pose les yeux sur sa main gauche et reste sans voix. Nom de dieu. Il n’a pas vu. Comment a-t-il pu ne pas voir ?
— Ce n’est pas à cause de Ian que je l’ai retirée. C’est pour toi. Je voulais que tu le saches. Je vais voir Sarah, on n’a pas eu le temps de parler boulot.
Elle tourne les talons et le laisse planté sur le lit, muet comme la flaque énamourée qu’elle vient de faire de lui, se demandant bien comment poursuivre ses recherches et accabler son mari mort dans son dos après ça.
— C’est l’hôpital qui se fout de la charité, rétorque Sarah sans ciller. J’ai besoin d’avancer sur les plans, et ce n’est pas là-bas que j’y arriverai ! Tout roule, tu n’as pas besoin de moi et tu le sais, je promets de rester enfermée à double tour et de t’appeler toutes les deux heures, ok ?
Cassie plisse les yeux. Non, pas ok. Elle a mal dormi, a fait cramer ses toasts, elle ne veut pas passer la journée à penser à sa meilleure amie, seule dans un appartement connu de l’ennemi. Malheureusement, la dite meilleure amie est probablement plus têtue encore que l’ennemi en question.
— Tête de pioche, bougonne-t-elle, noyant sa tartine carbonisée dans le café.
— Tête d’enclume, réplique Sarah.
Totalement insensible à leur joute matinale, Julie s’approvisionne en céréales sur l’étagère où s’alignent une dizaine de boîtes, d’ores et déjà fidèle au rituel matinal. Comment, pourquoi ont-elles commencé à prendre leurs petits déjeuners ensemble ? Cassie ne s’en souvient même pas. Les travaux chez Sarah ! Sarah voulait aller à l’hôtel, Cassie lui a offert des petits déjeuners dignes d’un buffet d’hôtel. L’appartement a été rénové, le rituel est resté.
— Bon, conclut Sarah, beurrant une nouvelle tartine. Si tu as fini de bouder, tu m’expliques ce qui te met de si mauvaise humeur ?
— J’hésite, marmonne-t-elle. Difficile de choisir entre le pervers dans ma tête, l’actrice pleine d’avenir reposant à la morgue ou cette pauvre petite vieille avec la tête en sang.
— Tu as entendu mon père. La vieille est dans un coma artificiel, elle s’en sortira, et sa chambre est gardée. Alors arrête de jouer à la plus maline ou je te noie dans ton café plein de miettes cramées.
— Mal dormi, avoue finalement Cassie avec un sourire.
— Où est Raph ?
— Sous la douche.
— D’accord. Mal dormi à cause de…
— J’ai rêvé de Ian.
— De Ian ? Crachouille Sarah, la bouche pleine de confiture. C’est nouveau.
— Euh… pardon, intervient Julie, mais Cassie, si tu veux que je vous laisse, je peux…
Sa longue chevelure corbeau rassemblée en queue de cheval, ses yeux bleus encore embrumés surmontant un T-shirt « eat me », Julie fait déjà partie de la famille, et Cassie s’étonne de se l’avouer. Mais elle rend visiblement Sarah heureuse. Et dans tous les cas, une femme capable de rester stoïque en entendant parler tueur en série et voix dans la tête après deux semaines de relation mérite le respect.
— Non. A moins que toi, tu en aies marre d’entendre parler de meurtres au petit déjeuner comme n’importe quelle femme normalement…
— Je ne suis pas n’importe quelle femme, la coupe Julie, prenant place derrière un bol à rayures.
— Nan, renchérit Sarah. C’est la mienne.
— Garde-la ou je change de bord, sourit Cassie.
— C’est qui, Ian ? Demande Julie.
— Mon mari. Ex. Comment on dit, pour une veuve ?
— La vache ! S’exclame brusquement Sarah.
Cassie tressaille, Julie de même, expédiant une céréale rouge dans le café de sa compagne.
— Quoi ? S’étonne Cassie.
— Ton alliance ! Tu as retiré ton alliance !
— Ah. Ça. Oui.
— Ma poule, je ne t’ai jamais vue sans ton alliance. N’imagine pas t’en sortir sans explication.
— C’est juste… je me pose beaucoup de questions sur Ian, en ce moment. Le fait d’être avec Raph, ça réveille pas mal de souvenirs, et…
— Il te manque.
— Justement, non.
— Explique, ordonne Sarah, repoussant son assiette vide pour poser les coudes sur la table.
— Avec Raph, je découvre des choses. Des choses que je n’ai jamais connues avec Ian.
— Comme ?
Cassie avale une gorgée de café. Le simple fait de mettre des mots sur ce genre de pensées lui donne l’impression de trahir un mari mort à sa place, mais elle a trop besoin de le faire.
— Ian ne m’a jamais fait l’amour en me regardant, en me regardant vraiment, comme si j’étais la plus belle chose qui lui soit arrivée. Il ne m’a jamais promis monts et merveilles d’un simple coup d’œil. Il ne m’a jamais touchée avec autant de… de passion, de respect, de tendresse, d’admiration. Il ne m’a jamais écoutée comme si rien n’était plus important que ce que j’avais à dire, il ne s’est jamais mis en quatre juste pour me faire rire, parce qu’il avait deviné à un simple froncement de sourcils que j’étais triste ou agacée.
Un silence s’abat sur la tablée, et Cassie jette un coup d’œil en direction de la salle de bains. La porte en est toujours fermée.
— Il ne m’a jamais juchée sur son épaule pour me jeter dans le bain, il n’a jamais roulé sous la table avec moi et n’a jamais pesté contre mes petites manies. En fait, confie-t-elle à regret, je crois qu’il s’en foutait.
— Mince alors, souffle Sarah. Cassie, je sais que ça ne va pas te plaire, mais il faut que quelqu’un te le dise. Ton Ian était un idiot.
— Non ! Non, simplement, il était… différent. S’il n’avait pas été là après la mort de mes parents, je ne sais pas ce que j’aurais fait. J’étais en miettes, c’est lui qui m’a aidée à me reconstruire. S’il n’avait pas été là…
— Oui, d’accord. Je veux bien. Mais il ne savait pas t’aimer. Et toi, dans tout ça ? Est-ce-que tu l’aimais ?
— Bien sûr.
— Tu réponds par habitude.
— Oui. Je ne sais plus, et c’est bien ce que j’ai du mal à accepter. En tous cas, j’ai cru l’aimer. Avant la mort de mes parents, je n’avais jamais envisagé de l’épouser, et puis tout a changé, il était là… je faisais avec, je crois, parce que j’avais trop besoin de lui. J’avais l’impression que je lui devais quelque chose, pour ne pas me laisser, alors j’essayais de m’adapter à ce qu’il voulait, mais…
— Bon sang, Cassie… il t’aura fallu attendre trente-deux ans pour découvrir ce qu’est une vraie relation…
— Faut croire, marmonne-t-elle. Mais ça me rend malade ! Il est mort, et à cause de moi ! A quoi ça sert de ressasser tout ça, de cracher sur ce qu’il a été et de salir des souvenirs que j’embellissais depuis des années ? Des fois, j’en veux à Raph, parce que… parce que…
— Parce que je t’offre ce que tu mérites ?
Cassie pivote d’un bond sur son tabouret. Appuyé contre le chambranle de la porte, bras croisés, pieds nus et mèche en bataille, Raph la contemple. Et elle le connait à présent suffisamment pour capter l’étincelle de colère derrière son apparente nonchalance.
— D’accord. Euh… bon.
Sarah glisse précipitamment son assiette dans le lave-vaisselle, attrape Julie par la main et disparait par la porte. Raph ne bouge pas, Cassie non plus. Ils se dévisagent longuement. Puis, la première, elle lui tourne le dos dans un mouvement d’humeur.
— Désolée que tu aies entendu ça, lâche-t-elle. C’était une conversation de fille.
— Non, rectifie-t-il, venant s’assoir en face d’elle. C’est une conversation qu’on aurait dû avoir tous les deux. Cassie, je t’ai dit que je ne cherchais pas à prendre sa place !
— Je sais.
— Tu ne peux pas me reprocher de t’ai…
— Je ne te le reproche pas.
— Alors je ne sais pas quoi te dire. Tu as visiblement un problème avec la mémoire de ton mari, ce que je peux comprendre. Un autre avec le fait que je te traite comme il aurait dû le faire, ce que j’ai plus de mal à comprendre.
Cassie soupire, se frottant le visage des deux mains.
— Raph, cette conversation ne t’était pas destinée. J’avais besoin de lâcher du lest avec une amie, parce que j’ai mal dormi, parce que oui, que tu le veuilles ou non, ce que je vis avec toi change complètement l’éclairage de ce que j’ai vécu avec lui, et c’est comme ça, c’est douloureux.
— Je ne comprends pas, Cassie. Je ne comprends pas que tu ne m’en aies pas parlé. Qu’est-ce-que je dois faire pour que tu te confies à moi ?
— Mais bon dieu, Raph, tu crois que c’est facile ? S’écrie-t-elle, se levant subitement pour ranger son bol dans le lave-vaisselle. C’est la première fois que je l’admets, que j’en parle à voix haute. Alors non, je n’ai pas envie de cracher sur mon mari décédé avec celui qui me donne envie de lui cracher dessus.
Elle lui fait face, appuyée contre l’évier.
— Et oui, parfois, je t’en veux d’avoir bouleversé ma vie, de m’obliger à faire face à des choses que j’ai rangées, enfouies, classées. Parce que c’est difficile, parce que c’était plus simple avant. Parce que ce que tu… ce que je ressens pour toi prend beaucoup de place et que je ne sais pas trop comment m’en accommoder. Parce que j’ai du mal à admettre que…
Elle prend une profonde inspiration.
— Que Ian, s’il m’aimait, ne m’aimait pas comme je l’aurais voulu. Et que malgré ça, il l’a payé de sa vie.
Sa voix se brise sur le dernier mot. Tant pis. Sans un regard pour Raph, elle se détourne et sort de la pièce au pas de charge, prête à déborder.
Raph est terrassé. Il a été lamentable, par une jalousie totalement déplacée, parce que l’entendre dire qu’elle lui en voulait l’a blessé, parce que l’entendre le comparer à ce type après les découvertes de la veille l’a vexé. Il a réagi sous le coup des mots, sans réfléchir à leur véritable sens.
Il jure copieusement, se passe une main dans les cheveux et se dirige vers le couloir. Ne reste qu’à se confondre en excuses. Il ouvre la porte de la salle de bains. N’y voyant personne, passe la tête dans le bureau, puis continue vers la chambre. Vide. Il s’apprête à en sortir quand, par acquis de conscience, il décide de vérifier l’immense dressing au fond de la pièce. Elle est là. Recroquevillée entre une pile de chaussures et un assortiment de robes bariolées, Cassie pleure en silence.
Il lâche un nouveau juron. Quel naze. Mais quel gros naze il est. Cassie pleure, ce qui est déjà suffisant pour le réduire en cendres. Mais Cassie ne sait pas pleurer, elle ne peut que déborder. Le tsunami du siècle, comme si tout son être se retirait pour mieux déferler, et le tout dans un silence terrifiant.
Ce n’est pas la première fois qu’il la voit dans cet état. Mais cette fois c’est sa faute et ça, c’est pire que tout. Il se penche doucement, passe un bras sous ses cuisses tétanisées, un autre dans son dos raide et la soulève sans efforts.
— Cassie, pardon, je suis désolé. J’ai été nul. Ecoute, je… je ne sais pas quoi dire pour me rattraper. Je comprends, tu sais, souffle-t-il en la déposant au creux de la couette, dans la chaleur du lit. Je te le jure que je comprends.
Il se faufile à ses côtés, et alors qu’elle se roule en boule, les paupières obstinément closes, se déploie contre son dos comme une pieuvre sur un crabe. Elle lutte pour reprendre contenance, il le sent. Il la plaque juste dans le creux de son bassin, l’enfouit dans son torse et l’enveloppe de ses bras.
— Laisse-toi aller, chuchote-t-il contre ses cheveux. Vas-y, laisse sortir tout ça. Je suis tellement désolé. Cassie, je… c’est vrai, tu sais. Tu es ce qui m’est arrivé de plus beau depuis longtemps. Tu es mon miracle. Depuis la mort de mes parents, moi aussi, j’avais du mal à… à donner. Mais avec toi… avec toi, je vis, vraiment, et c’est tellement naturel. Bon sang, je pourrais m’arracher les deux bras pour t’avoir mise dans cet état ! Je n’ai pas fait attention, j’étais seulement jaloux. Tu mérites tant, ça me rend fou que tu n’aies pas toujours été couverte d’amour et d’attentions.
Alors, seulement, Cassie allume le son. Il la garde tout conte lui, encaissant chaque hoquet, chaque gémissement comme une gifle, l’inondant de paroles et d’excuses jusqu’à ce que ses sanglots s’écroulent, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que spasmes, élans vitaux d’un corps qui se cherche. Jusqu’à ce qu’il l’entende pouffer en réponse à une énième tentative d’humour. Enfin, il la retourne délicatement et prend son visage en coupe entre ses mains.
— Je suis tellement désolé, Cassie, murmure-t-il, embrassant ses joues humides. Je t’ai abîmée. Je m’étais juré que jamais, jamais, ça n’arriverait.
— Je le suis depuis longtemps, abîmée, bredouille-t-elle.
— Alors laisse-moi te retaper. Il te restera une ou deux soudures, éventuellement quelques agrafes, mais je vais te raccommoder tout ça. Je te le promets.
— Tu es dingue, souffle-t-elle.
— Oui, de toi. Cassie, tu te rends bien compte que ce que tu vois de moi, c’est toi qui le provoques ? Tu tires le meilleur de moi, dans tous les domaines, et ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Je te signale, en plus, que moi aussi, je suis tout cabossé à l’intérieur. Rien à voir avec ta casse automobile de compétition, d’accord, mais quand même. On se ressemble, toi et moi.
— Même pas vrai, renifle-t-elle. J’ai des seins.
— Très juste. Des jolis, même, approuve-t-il, dessinant les intéressés du bout des doigts.
— Je n’ai jamais connu le sexe après la tempête, chuchote-t-elle, les yeux fermés. Montre-moi.
— D’accord. Mais c’est vraiment pour rendre service.
C’est une démonstration magistrale. Mais de sa part, à elle. Lorsque Cassie lui libère les hanches, du miel court dans les veines de Raph, épais, bouillant, onctueux, remontant jusqu’à son cœur et le traversant de part en part. Pour la première fois, consciente ou pas, elle s’est donnée corps et âme, songe-t-il, détaillant le visage pâle sur l’oreiller enflammé de boucles rousses.
— La vache, marmonne-t-il, l’attirant contre lui.
— Ouais.
Cassie contemple un instant les ondes bleutées affleurant sur sa propre peau. Raph enjambe ses verrous sans scrupules, sans le savoir, sans l’envahir, sans se livrer. Il lui a offert une déferlante bleutée, l’obligeant à baisser sa garde, à libérer sa propre couleur et y accueillir celle de Raph. Elle n’avait jamais vécu pareille communion, et ignore si elle en est bouleversée ou terrifiée. Dans le doute, elle roule hors de ses bras et s’échappe du lit.
Raph sourit. La fuite est une seconde nature, pour Cassie. Mais dorénavant, elle écoute avant de fuir, parle même parfois, et de plus en plus souvent, hésite. Il la regarde enfiler un étroit pantalon bleu poudré sur une adorable culotte violette couverte de papillons. Ça lui suffit, à lui.
Elle attrape un T-shirt violet couvert des mêmes papillons que sa culotte et il secoue la tête, émerveillé par la simplicité du stratagème. Chaque fois qu’il croisera le T-shirt, il pensera à la culotte. Brillant. La journée s’annonce compliquée.
— Cassie… souffle-t-il parce qu’il a besoin de le dire. Je suis désolé de t’avoir blessée. Vraiment. Si tu veux me parler de ton mari, je suis là, si tu veux en parler à Sarah, je comprends. J’ai appris ma leçon. Par contre, même pour t’épargner les remises en question que tu traverses, je ne cèderai pas un pouce de terrain à un fantôme.
Cassie grimace, calant sa boucle coupée derrière une oreille. Oui, Ian est un fantôme érigé en demi-dieu autour duquel elle a peu à peu bâti sa forteresse. Forteresse que Raph, envers et contre tout, transforme peu à peu en maisonnette chaleureuse, dans laquelle Ian et son piédestal ne rentrent plus.
Lorsqu’elle se rapproche du lit, entre le pantalon, le T-shirt et les cheveux, Raph en prend plein les yeux. Allez savoir pourquoi, il adore ses débordements colorimétriques.
— Je ne t’en veux pas, soupire-t-elle. Au fond, je crois même que je comprends ta réaction, mais je n’aurais simplement pas pu te parler avant Sarah. Avec elle, c’est neutre. Avec toi, j’aurais fait attention, et j’avais besoin de formuler les choses telles qu’elles sont. C’est juste une nouvelle phase à digérer, ajoute-t-elle en triturant la couette. Ça passera. Tu es le premier à lui faire concurrence et tu me fais prendre conscience de toutes ses faiblesses, à lui.
Voilà. Cassie a parlé, elle va donc bientôt fuir, Raph sort sa botte secrète.
— Pardon d’être parfait, lance-t-il avec un grand sourire.
Cassie éclate de rire, soulagée de changer de sujet.
— Ne te fais pas d’illusions non plus. Maintenant, tu devrais songer à couvrir ton sabre laser, il est huit heures et on est en retard.
— Attends, lance-t-il en s’emparant de sa main. Et au passage, merci pour le sabre laser. Cassie, tu es la femme la plus forte que j’aie jamais rencontrée. Peu de gens auraient survécu à ce que tu as enduré. Moi je t’admire, je veux que tu le saches.
Ouh là, c’est qu’il est téméraire, la déclaration est osée. Raph se plante bien droit dans ses yeux et patiente.
Cassie retient son souffle. Chavirée. Parce que des mots pareils, comblent ses fissures, et que comble du ridicule, un index ne lui appartenant pas dessine avec insistance des cœurs enduits de paillettes bleues sur sa paume. Autant se rendre à l’évidence. Ridicule ou pas, son cerveau aime les cœurs.
Raph, lui aussi, retient son souffle, parce que Cassie est toujours là et qu’elle contemple sa main sans pour autant la récupérer, apparemment au comble de l’embarras.
— Je voulais te dire… murmure-t-elle.
Cassie se fait violence. Elle relève le nez et le dévisage, tirant sur sa boucle coupée de sa main libre. Pas la peine de l’avoir fait si c’est pour qu’il ne voie rien, hein.
— Mon alliance, lâche-t-elle finalement.
Raph pose les yeux sur sa main gauche et reste sans voix. Nom de dieu. Il n’a pas vu. Comment a-t-il pu ne pas voir ?
— Ce n’est pas à cause de Ian que je l’ai retirée. C’est pour toi. Je voulais que tu le saches. Je vais voir Sarah, on n’a pas eu le temps de parler boulot.
Elle tourne les talons et le laisse planté sur le lit, muet comme la flaque énamourée qu’elle vient de faire de lui, se demandant bien comment poursuivre ses recherches et accabler son mari mort dans son dos après ça.