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— Gruyère ! Veux-tu descendre !
Roulant de gros yeux en direction de la masse de poils tigrés, Madeleine Ribaudet traverse son salon à petits pas. C’est qu’elle est bêtement tombée deux semaines plus tôt, et que sa prothèse de hanche en a pris un coup dans l’aile. Il s’agirait de ne pas se prendre les pieds dans le tapis en sus.
Enfin parvenue à la fenêtre, elle pousse de la main l’arrière-train du gros matou affalé sur le guéridon devant la vitre, afin qu’il libère au moins le téléphone. Gruyère n’a jamais tenu compte de ses récriminations quant aux griffes sur les meubles.
Elle tire délicatement le rideau de dentelle et grimace en avisant la voiture vert bouteille garée juste devant sa fenêtre. Le rustre. Un homme roux y est adossé côté conducteur, lui tournant le dos. Elle décide de lui laisser cinq minutes pour déguerpir avant d’intervenir et reporte son regard sur la grande maison d’en face, qu’elle ne voit plus guère maintenant que le portail reste fermé toute la journée.
Où l’a-t-elle déjà vu, cet homme ? Elle fouille dans ses souvenirs, parce que si sa mémoire est de plus en plus capricieuse, elle ne perd pas non plus la boule. Elle l’a déjà vu. Oui ! Elle se souvient l’avoir vu avec la petite De Forest, justement, la blonde un peu snob. En voiture, c’est ça, la même voiture. Elle l’a d’ailleurs vue souvent garée dans la rue, cette voiture.
Lorsque Gruyère se met à feuler, elle baisse machinalement les yeux. Et fait aussitôt un bond en arrière, main sur le cœur. L’homme roux n’est plus adossé à sa voiture. Il s’est retourné, la dévisageant sans bouger comme s’il l’avait entendue, et elle a l’absurde impression, Madeleine, qu’il la tient par les yeux.
Elle ne saura jamais pourquoi. Elle recule, le cœur battant. L’arrière de sa pantoufle se coince dans le tapis. Elle actionne machinalement le bouton d’appel d’urgence accroché à son poignet. Dans la rue, par le rideau de dentelle entrouvert, elle voit l’homme sourire alors qu’elle bascule en arrière dans un cri muet et que sa tête heurte l’accoudoir en bois du canapé.
Roulant de gros yeux en direction de la masse de poils tigrés, Madeleine Ribaudet traverse son salon à petits pas. C’est qu’elle est bêtement tombée deux semaines plus tôt, et que sa prothèse de hanche en a pris un coup dans l’aile. Il s’agirait de ne pas se prendre les pieds dans le tapis en sus.
Enfin parvenue à la fenêtre, elle pousse de la main l’arrière-train du gros matou affalé sur le guéridon devant la vitre, afin qu’il libère au moins le téléphone. Gruyère n’a jamais tenu compte de ses récriminations quant aux griffes sur les meubles.
Elle tire délicatement le rideau de dentelle et grimace en avisant la voiture vert bouteille garée juste devant sa fenêtre. Le rustre. Un homme roux y est adossé côté conducteur, lui tournant le dos. Elle décide de lui laisser cinq minutes pour déguerpir avant d’intervenir et reporte son regard sur la grande maison d’en face, qu’elle ne voit plus guère maintenant que le portail reste fermé toute la journée.
Où l’a-t-elle déjà vu, cet homme ? Elle fouille dans ses souvenirs, parce que si sa mémoire est de plus en plus capricieuse, elle ne perd pas non plus la boule. Elle l’a déjà vu. Oui ! Elle se souvient l’avoir vu avec la petite De Forest, justement, la blonde un peu snob. En voiture, c’est ça, la même voiture. Elle l’a d’ailleurs vue souvent garée dans la rue, cette voiture.
Lorsque Gruyère se met à feuler, elle baisse machinalement les yeux. Et fait aussitôt un bond en arrière, main sur le cœur. L’homme roux n’est plus adossé à sa voiture. Il s’est retourné, la dévisageant sans bouger comme s’il l’avait entendue, et elle a l’absurde impression, Madeleine, qu’il la tient par les yeux.
Elle ne saura jamais pourquoi. Elle recule, le cœur battant. L’arrière de sa pantoufle se coince dans le tapis. Elle actionne machinalement le bouton d’appel d’urgence accroché à son poignet. Dans la rue, par le rideau de dentelle entrouvert, elle voit l’homme sourire alors qu’elle bascule en arrière dans un cri muet et que sa tête heurte l’accoudoir en bois du canapé.