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30

          Adieux, voiture, rentrer, nouveaux adieux. Cassie gère comme elle peut. Le cœur débordant d’alarmes paniquées, le corps ivre et l’esprit en vrac, Raph s’excuse de partir, elle répond de ne pas s’inquiéter. Il dit qu’elle lui manque déjà, elle dit merci. Il regrette de ne pas dormir avec elle, elle bégaye. Rattrape même de justesse une drôle de pulsion. Le retenir ? Ridicule, pour quoi faire ?
          Comme tous les autres sentiments que Raph déclenche chez elle, elle empile tout ça dans un coin, en tas, en attente de traitement, parce qu’elle n’a pas prévu de boîte pour les ranger. Elle n’a aucune case pour ce genre d’émois, elle qui trie avec délectation, et les balancerait probablement si elle en avait le courage. Elle ne l’a pas. Elle se contente donc d’empiler, évitant de penser au jour où la pile s’écroulera.
          — Cassie ! Tu m’écoutes ?
          Cassie détache son regard aveugle de la télévision encadrant le film d’horreur choisi par Sarah et se concentre sur sa meilleure amie, affalée à ses côtés sur la couette à fleurs en pyjama « Punk is not dead ». Ce soir, Sarah joue les baby-sitters de son esprit exposé. Constatation qui s’ajoute à sa frustration, la plongeant au cœur d’un tumulte émotionnel inédit.
          Parce que, peut-être, aurait-elle dû se rendre compte plus tôt des attaches créées au fil du temps, qu’elle l’ait prévu ou non, et du fait que la réalité de ces autres fait désormais partie de la sienne. Parce que, peut-être, se posant la question plus tôt, n’aurait-elle pas ce soir la sensation d’être une poufiasse égocentrique et avare de sentiments.
          — Cassie !
          — Quoi ?
          — Je te demande si tu m’as caché quelque chose ?
          — De quoi tu parles ?
          — Concernant le petit discours impromptu dans ta tête. Tu aurais pu laisser des infos de côté pour ne pas inquiéter mes parents.
          Prends ça dans les dents. Une poufiasse égocentrique et avare de sentiments, au point que sa meilleure amie ne lui fasse pas confiance.
          — Sarah, je ne t’ai jamais rien caché. Enfin, pas depuis plusieurs années. Est-ce-que j’en suis au point où vous vous attendez tous à ce que je mente ?
          — Mais non, andouille. D’où l’expression « pour ne pas inquiéter mes parents ». Je me disais que tu avais pu…
          — Non.
          — D’accord, d’accord.
          Sarah pose son assiette sur la moquette à côté du lit, puis se frotte le ventre avant de lui décocher un sourire narquois. Nous y voilà. Des heures qu’elle l’attend, le sourire narquois.
          —Dis-donc, tu as eu droit à une sacrée déclaration, sur la terrasse… je suis surprise que tu n’aies pas tourné de l’œil.
          Cassie consulte ostensiblement sa montre.
          — Quatre heures et trente-deux minutes avant de me charrier. Tu es malade ?
          — Je ne te charrie pas, je viens aux nouvelles. Et puis il y avait mes parents, ensuite Raph, Julie, il m’a semblé plus judicieux d’attendre notre pyjama-party.
          Cassie soupire, tirant sur son pyjama à pois. Et puis zut. Pas faim, même pour la tarte maison de Muriel. Elle dépose elle aussi son assiette au sol pour se blottir sous la couette.
          — Désolée, marmonne-t-elle.
          — De quoi ?
          Sarah lui jette un coup d’œil interrogateur avant de mettre la main sur la part de tarte abandonnée.
          — Que tu ne dormes pas avec Julie à cause de moi.
          — Cassie, tu n’as rien retenu du discours de Raph ou quoi ? Peste Sarah la bouche pleine. Je t’aime comme ma sœur. Ce n’est pas une corvée. Julie a aussi besoin d’espace, et je te rappelle que jusque très récemment, on se faisait ce genre de soirées tous les dimanches.
          — Je sais, je voulais seulement dire…
          — Des clous.
          — Bref, je…
          — Bref, la déclaration.
          — Ce n’était pas une déclaration, grogne-t-elle.
          — Même toi, tu ne peux pas être aussi aveugle. Ce type est fou de toi. Il est sexy, il est futé, il est drôle, il est patient, il t’accepte en bloc. Qu’est-ce-qu’il te faut de plus ?
          Aucune idée. Cassie détaille un instant Sarah engloutissant les dernières miettes avec efficacité, l’une de ses longues mèches étendue dans l’assiette.
          — Tu es amoureuse de Julie ?
          Sarah lui expédie un tel sourire que Cassie s’enfouit sous la couette avec un gémissement.
          — Arrête, tu m’éblouis, ronchonne-t-elle. Je prends ça pour un oui ?
          — C’en est un.
          — Et c’est réciproque.
          — Soit ça l’est, soit elle ment très bien. Où tu veux en venir ?
          — Ça ne te fait pas peur ?
          — Peur de quoi ? De devenir monogame, d’avoir quelqu’un dans les pattes ? Non, c’est trop cool.
          — Peur de la perdre.
          Sarah la dévisage un instant, puis repose lentement l’assiette vide sur la moquette.
          — Je n’ai aucune idée de ce que veut dire survivre à la perte de tous ceux qu’on aime, murmure-t-elle doucement. J’ai été plutôt gâtée de ce côté, et je ne me permettrais jamais de juger la façon dont tu as géré ce qui t’es arrivé. Mais ça fait huit ans ! Il va bien falloir que tu te remettes à vivre à un moment ou un autre. Non, ajoute-t-elle alors que Cassie ouvre la bouche, tu ne vis pas, tu survis. T’investir dans la vie d’un autre te rend toujours malade.
          — Faux ! Et les…
          — Sylvain, moi, les garçons, la famille, ça n’a pas été un choix conscient. Ça s’est fait petit à petit, sur la durée, et à ton corps défendant. Je te rappelle que j’ai dû te saouler pour t’arracher des aveux, et ce au bout de deux ans.
          Cassie n’essaye même pas de nier, cherchant seulement les bons mots.
          — Dis-moi, soupire-t-elle finalement. Honnêtement. Est-ce-que je t’ai déjà fait souffrir ? Est-ce-que ma façon d’être te blesse ? Tu te sens…
          — Laissée à l’écart ? Non.
          Sarah s’empare de la télécommande pour couper les hurlements jaillissant du téléviseur.
          — Je te connais trop, et je ne m’interdis rien. Si j’ai envie de te prendre dans mes bras, je le fais. Et puis tu as toujours été là pour moi. Toujours.
          Cassie relâche son souffle. C’est bon à entendre.
          — Tu n’es pas une garce, Cassie. Juste une nana bardée de ralentisseurs et de sens interdits. Moi, à force, je connais les raccourcis et j’ignore les feux rouges. Mais je sais que mes parents sont parfois frustrés. Ils ont l’impression de ne pas pouvoir t’atteindre. Quant à Raph…
          Sarah hausse les épaules.
          — Oui, il en souffre, ça se voit, et je le comprends.
          — Pas moi, avoue Cassie.
          — Qu’est-ce-que tu ne comprends pas ?
          Cassie se frotte les yeux et balaye la pièce du regard.
          — J’ai besoin d’une clope. Je sais, j’ai arrêté et je n’en ai même pas mais bon sang, je donnerais mon lit pour une…
          — D’accord. Mais tu peux garder ton lit, il y a trop de fleurs sur ce truc.


          Nécessité fait loi. Il leur faut moins de dix minutes pour se blottir sous la couette dans les chaises longues de la terrasse, armées de thé noisette et d’un paquet de cigarettes flambant neuf.
          — D’où tu sors ce paquet ?
          — De ma trousse de premiers secours, explique fièrement Sarah, extirpant une cigarette dudit paquet.
          — Des clopes ? Dans une trousse de premiers secours ?
          — Et du chocolat, des mignonettes de vodka, un peu d’herbe, un bouquin, un journal intime, ce genre de trucs.
          — Pourquoi je ne suis pas au courant ?
          — Parce que c’est uniquement en cas d’urgence, réplique-t-elle en allumant la cigarette avec un soupir de contentement. Là, y a urgence.
          — Tu t’en sers souvent, du journal intime ?
          — Il est toujours sous cellophane.
          Cassie accepte la cigarette que lui tend Sarah. Elle en aspire avidement une bouffée, laisse la fumée danser sur son palais, souffle avec délices. Regrette quelques secondes d’avoir arrêté. Puis se félicite et décide que la bouffée suivante constitue sa récompense.
          Elle a commencé à vingt-quatre ans, en arrivant en France. Par vengeance et par désespoir, parce que plus personne n’était là pour lui faire la morale. Une cigarette, c’était un morceau de concret, du plaisir toxique en bâton. Malheureusement, après six ans de volutes, et le sevrage fut trop pénible pour revenir en arrière. Une cigarette de loin en loin, prudemment, c’est déjà bien.
          — Ça va mieux ? S’enquiert Sarah.
          — Pourquoi ce qui fait du bien est toujours mauvais ?
          — Raph n’est pas mauvais, et je suis sûre qu’il te fait beaucoup de bien.
          Fin de la trêve, droit au but. Bon. Cassie jette un coup d’œil aux bambous, les épaules étrangement  tendues, pour vérifier l’opacité de leur haie. Puis souffle une dernière fois et échange la cigarette contre le thé.
          — Je n’arrive pas à démêler ce qu’il m’a dit, confie-t-elle, les yeux sur le ciel étoilé. Ça me rend folle. Je ne voulais plus jamais avoir d’amis, ma famille était morte, il était hors de question de laisser un homme devenir plus qu’on objet sexuel... et là, je me triture les méninges pour décider si oui ou non, je suis devenue cette poufiasse égocentrique et avare de sentiments, tellement occupée à éviter de s’investir qu’elle en oublie de savourer. Si tu ris, je te tue, ajoute-t-elle en avisant les lèvres serrées de Sarah.
          — Désolée, marmonne celle-ci dans un effort visiblement surhumain. C’est juste le coup de la poufiasse. Bref, toussote-t-elle. La réponse est non.
          — Quoi, non ?
          — Tu n’es ni égocentrique ni avare, tu es pauvre et tu n’y es pour rien. Tu ne peux pas donner ce que tu n’as pas. Ça vient, mais lentement, et Raph est pressé.
          — Mais je suis censée faire quoi ? Vous laisser vous exposer au danger avec le sourire ? Comment vivre avec l’idée que ceux que j’aime prennent des risques pour moi, à cause de moi, sachant que le dernier est mort pendu sous mes yeux ? Je ne peux pas, Sarah. Je veux bien lutter, mais je ne peux pas être sereine face à ça.
          — Et personne ne te le demande. Tiens, finis-la.
          Elle lui tend la cigarette restante et récupère le thé.
          — Cassie, on te connait. Les mecs, ma famille, Mag, on sait qui tu es. On t’aime telle quelle, pas pour ce que tu deviendras éventuellement un jour, avec ou sans câlin. Ton affection se lit dans tous tes gestes du quotidien.
          — Alors je ne…
          — Laisse-moi finir. Raph, ce n’est pas de l’amitié. C’est allé vite, il en est le premier surpris mais n’a aucun problème à l’assumer. Toi, si. Alors il a beau être patient, le retour minimum qu’il attend de votre relation, c’est plus qu’une bonne blague après une journée de boulot. Il a des besoins, et je ne parle pas de tes fesses.
          Dommage. Ça, elle sait faire. Les yeux toujours rivés aux étoiles, Cassie attend la suite.
          — C’est comme un investissement, poursuit Sarah. Tu veux bien attendre pour toucher le gros lot mais au bout d’un moment, il te faut un petit quelque chose encourageant pour persévérer. Combien de fois tu l’as repoussé ?
          — Je n’ai pas…
          — Pas à moi.
          — Je ne sais pas, je ne compte pas !
          Est-ce-qu’elle a vraiment… oui ? Plusieurs fois ? Non. Si.
          — Je n’en sais rien, répète-t-elle, découragée. Je fais ce que je peux. Ce n’était pas prévu.
          — Qu’est-ce-qui n’était pas prévu ?
          — Qu’il s’attarde aussi longtemps.
          — Et que tu veuilles qu’il s’attarde encore plus longtemps.
          — Ouais.
          — Tu tiens à lui.
          — Chais pas.
          — Cassie !
          — Possible. Oui. Chais pas !
          Sarah fait la moue, Cassie ferme les yeux. Impossible de faire mieux.           
          — Bon, soupire Sarah, admettons. Tu passes ton temps à t’excuser, à lui rappeler qu’il a découvert ton histoire de lui-même. Tu lui as parlé contrainte et forcée, tu ne t’es pas confiée parce que tu en avais envie.
          — Et alors ? Je ne lui ai pas non plus fermé la porte au nez. J’aurais pu. J’ai accepté de lui expliquer parce que c’était important pour moi qu’il ait ma version, je suis toujours là, je ne l’ai pas viré, ça veut dire ce que ça veut dire !
          — C’est toute la différence entre accepter de compter pour quelqu’un et lui dire qu’il compte pour toi, objecte Sarah. Dans le premier cas, tu prends, dans le deuxième, tu donnes. Raph ne te demande pas de lui sauter dans les bras, mais de lui dire que tu en as envie. Un geste, quelque chose qui dise « oui, tu me forces la main et c’est tant mieux, tu me plais, reste », comme tu l’as fait un peu plus tôt.
          Cassie écrase le mégot, désemparée. Elle n’a jamais été douée pour les nuances, ne l’est plus depuis longtemps pour les démonstrations d’affection. Alors si Raph espère un mélange des deux, elle est carrément dans la mouise.
          — Concrètement, insiste Sarah, qu’est-ce-que tu lui as dit quand il est parti, tout à l’heure ?
          — A demain ? Hésite Cassie, perplexe.
          — Non, grognasse. J’imagine qu’il était déçu de ne pas pouvoir rester ?
          — Oui. Mais Emilie…
          — Il t’a dit qu’il aimerait rester ?
          — Oui.
          — Qu’est-ce-que tu lui as répondu ?
          Aïe. Cassie remonte la couette sur son nez.
          — Que sa sœur avait besoin de lui.
          — Froid et logique, grince Sarah. Tu avais envie qu’il reste ?
          — Il ne pouvait pas…
          — Je ne te demande pas s’il pouvait, mais si tu en avais envie.
          — Oui.
          — Tu lui as dit ?
          — Pour quoi faire ?
          — Pour lui dire, avec une telle subtilité que même toi, tu y arriverais, que tu tiens un peu à lui.     
          Cassie soupire. Elle l’a senti, sur le moment. Une étincelle de déception, un sourire un peu trop crispé, une attente inassouvie. Elle a même failli y répondre, et puis ça lui a paru… peu importe. Il a réclamé, elle a ignoré.
          — Sarah... Tu le sais, hein ? Bredouille-t-elle le nez dans la tasse de thé. Que je vous aime, tous, autant que je le peux, et surtout toi ? Et que je ferais tout pour toi ?
          — Oui, ma poule. Oui, on le sait tous. Mais dans une relation amoureuse, le savoir ne suffit pas.
          — Nom de dieu.
          — Quoi ?
          — J’ai une relation amoureuse.
          — J’en ai bien peur.
          — Et il me manque.
          — Excellente nouvelle. Dis-lui.

          Cassie relève des yeux écarquillés. Son cœur se contracte, le souffle lui manque, son estomac se soulève. Lui dire ? A voix haute ? Et si… Elle ne survivrait pas à une nouvelle mort violente. Pas Raph. Non, non, non. Elle ne peut pas, si jamais, si elle s’ouvre et que ça recommence, elle ne pourra pas, pas encore… sa respiration s’accélère, et elle porte une main à sa gorge.
          La gifle la prend de court. Pas très violente, mais efficace.
          — Ça va mieux ?
          — Un « respire » aurait suffi, halète-t-elle en inspirant longuement.
          Une crise d’angoisse, ben voyons. Ça faisait longtemps.
          —Bon, reprend résolument Sarah. Dire à Raph que tu tiens à lui te fait flipper, j’ai cru comprendre. Mais si ce que tu redoutes tant arrivait ? Si Raph mourait demain, qu’est-ce-que tu te regretterais ?
          — De ne pas en avoir profité, chuchote-t-elle.
          Avec l’impression d’expulser vingt kilos d’idées noires, Cassie expire profondément, clignant des yeux sur la toile pailletée du ciel. Avoir une révélation sur soi-même à son âge, c’est découvrir après vingt ans de vie commune que votre mari a une double vie. Le rideau se déchire, et tout est si évident qu’on se flagelle de ne pas l’avoir compris plus tôt. Il y a quelque chose de l’ordre de la trahison dans le fait d’apprendre qu’on a été berné par son propre inconscient.
          Elle suit de l’index la cicatrice sur son front. La vie. Ses détours. Si elle visualise clairement le chemin, comprend ses réactions, accepte ce qu’elle a dû rejeter pour guérir, elle n’en est pas moins sidérée par l’excessivité du résultat, et encore plus surprise de ne pas s’en être rendu compte plus tôt. Elle qui pensait profiter de chaque seconde sans arrière-pensée dépense finalement son énergie à repousser l’homme lui ayant permis de survivre aux dernières semaines. Par peur de devoir y renoncer, elle agit en défensif. Bien loin de la femme qu’elle essaye d’être.
          — Tu veux une autre baffe ? Propose aimablement Sarah.
          — Ça va aller, mais merci pour ta générosité.
          — Appelle-le.
          — Quoi ?
          — Raph. Appelle-le.
          Rideau qui se déchire ou pas, Cassie en est tétanisée. Elle ouvre la bouche, cherche une excuse et hoquète de frayeur lorsque des coups énergiques ébranlent la porte d’entrée.
          — C’est peut-être lui, chuchote Sarah.
          Cassie se tord le cou pour détailler la porte.
          — Non. Il ne frappe pas comme ça.
          — Tiens donc. Tu as même enregistré sa façon de frapper… laisse-moi deviner, ferme et tendre à la fois ?
          — Eh, les gonzes ! Vous allez vous décider à m’ouvrir ? Je vous entends d’ici !       
          Cassie lance un coup d’œil interrogateur à Sarah avant de rejeter la couette.
          — Tu l’as appelé ?
          — Nan. Croix de bois, croix de fer.
          Sylvain à sa porte, un dimanche soir, à 22 heures. Bon. Elle devrait être habituée à ce genre de plans, mais il ne lui avait pas fait le coup depuis un certain temps, alors… alors c’est bien Sylvain, constate-t-elle en ouvrant. Un sac de couchage sous le bras gauche et un pack de bière sous le droit.
          — Ton chat t’a jeté dehors ? Raille-t-elle en le soulageant du sac de couchage. J’ai des draps, tu sais.
          — Ouais, mais moi, je suis bien élevé. Je dérange pas les dames. Je les protège.
          — Quoi ?
          — Raph m’a appelé. Je me suis dit qu’un peu de testostérone à la maison, ça vous ferait du bien.
          Raph ? Cassie le suit, interdite, tandis qu’il expédie sans s’arrêter son sac sur le canapé. Raph ? Très détendu, Sylvain tire une chaise longue à côté des leurs, décapsule une bière et sort son tabac à rouler.
          — Attends, proteste Sarah. Ralentis, Brutus. Raph t’a demandé de nous surveiller ?
          — Nan. Mais entre mecs, on se comprend à demi-mot. Et je vous surveille pas, je vous tiens compagnie. Si par hasard on vous agressait, je vous sauverais, mais ça c’est du bonus.
          Cassie tergiverse, pas très emballée par son rôle de donzelle en détresse. Sarah n’a manifestement pas le même problème. Elle se rassoit sur sa chaise longue pour piocher une feuille et du tabac dans le paquet de Sylvain.
          — J’ai fouillé la rue, annonce fièrement celui-ci, la roulée déjà au coin de la bouche. Et aussi les escaliers, des fois que j’y aurais trouvé de la corde. Y avait un abruti qui avait perdu le code d’entrée, il a voulu m’emprunter mon téléphone pour appeler ses potes, ce bouffon ! Y a un interphone, c’est pas pour les chiens. Même pas en rêve que je l’aurais laissé entrer.
          — Cassie, lance Sarah, si tu vas chercher ton portable, tu auras droit à la fin du paquet de clopes et au chocolat de ma trousse de premier secours. Peut-être même à une mignonette de vodka, selon ta rapidité.
          Cassie sourit. Elle jette un dernier coup d’œil aux bambous, délie ses épaules et se masse la nuque, puis contemple d’un œil nouveau l’étrange duo affalé sur sa terrasse. Des amis. Ses amis. Alors après tout, hein…

          Six étages plus bas, un homme scrute les bambous de ses yeux plissés, malade de fureur. Echec. Echec, échec, échec.  

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