![]() Colombe n’est pas une fan de mariages. Vraiment pas. Présentations, salutations, sourires crispés, jeux, karaokés et incontournables montages photo, temps qui s’étire et Macarena, mousseline et canapés, talons sadiques et populace imbibée, très peu pour elle, merci. Sauf que quand votre sœur se marie, se faire porter pâle devient un chouïa plus compliqué et que d’ailleurs, celle de Colombe l’avait promis, pas de jeux débiles, on allait rester classe. Réflexe idiot. Colombe lui a fait confiance. Elle a pris sur elle, serré les mains, signé le registre, pire, dédaigné le champagne pour mieux porter la traîne. La famille vaut bien toutes les privations, a dit sa mère, mais Colombe commençait à douter, salivant discrètement sur la traîne immaculée. Puis sa sœur a pris le micro, le marié a ramené un énorme carton et Colombe a carrément perdu la foi. Pimenter l’ambiance ? Comment ça, pimenter l’ambiance ? L’alcool coulait à flots et Tonton Jacques était en caleçon sur la balançoire, d’où ça sortait, pimenter l’ambiance ? Elle était malheureusement plus ou moins seule de cet avis, ou seule à jeun. La foule s’est ruée sur le carton. Casquettes à oreilles, hélices, casque distributeur de bière, les dignes costumes de cérémonie en ont pris un sacré coup et Colombe s’est dit que l’idée était authentiquement débile, mais qu’elle pourrait difficilement faire pire que sa mère, le brushing écrasé sous une corbeille à pain jurant terriblement avec sa robe Ralph Lauren. Et voilà. Voilà comment provoquer bêtement le destin et se retrouver en dernier devant le carton de chapeaux, la traîne toujours fichée entre deux doigts, un œil mortifié sur le dernier couvre-chef disponible. A savoir, des bois. Des bois maison, genre serre-tête et branchage, genre Bambi fait main, genre une fois plantés dans les cheveux, c’est à la vie à la mort. Genre what the fuck, sister. A peine le temps de couiner que sa frangine lui a planté l’immondice sur le bun, les pointes des branches profondément incrustées dans son joli chignon patiemment construit. Colombe a blasphémé, pour être honnête. Elle a gentiment prévenu la mariée qu’elle lui pourrirait sa lune de miel, expédié la traîne dans la poussière et tracé vers le champagne. Trois pas et elle éborgnait tata Jacotte, dix de plus, elle se coinçait la pointe dans la capeline de Simone, encore huit et elle embarquait le toupet de Christophe. Déjà, ça vous donne une idée de l’ambiance. Qui ne s’est pas améliorée lorsque voulant abandonner l’absurde coiffe, elle a réalisé ne pas pouvoir le faire sans un miroir et une pince à épiler, ses mèches emmêlées ayant d’ores et déjà formé dans les bois un joli treillage style toile d’araignée. Colombe a blasphémé de plus belle. Elle ruminait dans les bulles, l’honneur foulé et le cheveu traumatisé, lorsque l’inspiration lui est venue. Le châtiment se devait d’être exemplaire, autant commencer tout de suite. Après tout elle était demoiselle d’honneur, elle avait les clés de la suite nuptiale, oh la bonne idée ! Elle a vidé une deuxième coupe cul-sec, écarté d’une claque les cousins qui lui embrochaient des petits fours sur les bois et pris la direction du gîte d’un pas vengeur. La bave du crapaud n’atteint peut-être pas la blanche Colombe, mais la blanche Colombe est rancunière. C’est là que Papi, en costume bleu et antennes Télétubbies, l’a prise en photo. Et quand elle reverra la photo, plus tard, elle se dira que si c’était totalement incommode, elle n’avait pas si piètre allure que ça, menton pointé et hanche vengeresse, en chemin vers son destin, avec un rayon de couchant sur les bois. Malheureusement pour atteindre le gîte abritant la suite nuptiale, il fallait traverser le parc. Parc jonché, comme de nombreux parcs, d’arbres et de buissons. Colombe, avec ses escarpins Chloé pas du tout faits pour crapahuter dans un parc jonché d’arbres et de buissons, a patienté à peine trois cent mètres avant de planter un talon dans la glaise, de trébucher sur un tronc et de vaciller entre les feuilles. Pas tombée ! Même pas mal. Elle aurait pu voir la chute évitée comme un appel du destin mais les deux coupes de champagne cul-sec lui chatouillaient les neurones, faire demi-tour ne lui a même pas traversé le brouillard éthylique. Non, elle s’est plutôt penchée pour ramasser la clé de la suite nuptiale lâchée dans sa rencontre avec le tronc, et son destin a basculé. Vingt minutes qu’elle est là, au milieu du parc, tête en bas et fesses en l’air, les bois fichés dans un buisson épineux bien dense. Le buisson ne cède pas, les bois ne cèdent pas, si quelque chose doit céder, ce sera apparemment le scalp de Colombe et honnêtement, elle n’y tient pas. Elle n’a pas son portable, la nuit commence à tomber, elle a faim et vaguement mal au cœur, un peu peur de se vomir sur les Chloé, aussi, et elle commence à avoir mal au dos mais mon dieu, des pas, une voix ? Colombe se lâche, Colombe hurle. Le pote canon de son beau-frère tout frais débarque auprès de Colombe prosternée devant le buisson, avant d’exploser de rire et de repartir chercher un sécateur et un appareil photo. Karma is a bitch.
2 Commentaires
Java
27/1/2014 03:58:20
L'histoire a quelques similitudes avec certains de mes souvenirs… je préfère penser que le reste n'est que pure fiction! !
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Mamzette
27/1/2014 07:40:56
Java... Quel drôle de prénom :D
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