Cher Lecteur/trice, je ne sais pas pour toi, mais moi, lorsque mon chemin croise l’un de ces anglicismes propres au monde de l’entreprise (ou comme on dit « corporate ») je me sens souvent comme un poisson dans le blender en fonction Pulse. C'est que ledit monde de l'entreprise m'est devenu relativement étranger. Et que je suis parfois bien obligée d'assumer mon statut de mini-quiche en posant la question, quand un client décide de sortir de son chapeau un terme clair comme de l'eau de roche goudronnée, introuvable sur le net et, généralement, franchement tiré par le scalp une fois le sens révélé. Ceci étant dit, tu me connais, tu sais que mon cerveau déteste le vide et remplit librement tous les blancs. Autrement dit, que Robert le neurone se bidonne généralement dans son recoin de cortex bien avant de comprendre le vrai sens du terme. Pire, il interprète comme ça le chante, Robert, or Robert chante très faux, et comme je suis très partageuse je te le sers sur un plateau (de dînette). BRAINSTORMING
Version Robert Robert a beau savoir depuis longtemps ce que brainstorming signifie, il est têtu. Lui, il visualise illico la tempête de cerveau. Et il te laisse imaginer, Robert, ce que pourrait donner une tornade de cortex spongieux lancés à 300 km/h dans un open-space vitré. Version Corporate Brainstorming = remue-méninge de groupe, autrement dit une masturbation cérébrale collective pour faire croire par la magie de l'émulation qu'une idée est bonne même quand elle ne l'est pas, que les poêles en fonte sont un thème hautement récréatif ou que 50 shades of Grey est un monument de la littérature. WORDING Version Robert Dans le monde de Robert, le wording consistait à ouvrir Word et à taper à toute allure sur un clavier la mine affairée, que tu sois en train de composer le prochain porno-soft ou un essai sur la vie après la mort. Mais Robert a senti dès la première seconde qu'on allait encore le contredire, c'est l'histoire de sa vie, heureusement qu’il s’en tamponne la synapse. Version Corporate Wording = champ lexical. Sauf que "champ lexical", c'était beaucoup moins sexy quand Jean-Brice essayait de motiver ses troupes caféinées après trois heures de tempête de cerveaux sur baies vitrées, pour leur faire comprendre à quel point les poêles en fonte avaient besoin d'un champ lexical précis pour devenir branchées. PEER TO PEER Version Robert Je t'ai déjà dit que Robert était désespérément immature. Ce que tu ne sais peut-être pas, c'est qu'il est aussi (plus ou moins) bilingue, et que quand il voit accolées les lettres "pee", peu importe dans quel mot, il se met à ricaner. Ça veut dire pipi, tu comprends. Parle-lui de peer to peer, il visualise un acteur en collant clamer "to pee or not to pee" façon Shakespeare devant un trône en porcelaine, et ça le fait rire. Robert, tu sors. Version Corporate « Peer to peer » = « de pair à pair », autrement dit sans intermédiaire, autrement dit tu loues ta tondeuse à Germaine sans demander à Roger de jouer les médiateurs. Roger risque de faire pipi sur ton paillasson en représailles et tu vas devoir affronter face-à-face l'haleine de Germaine, mais ta tirelire grossit plus vite. SOURCING Version Robert Un bâton, de bonnes chaussures de marche et à nous la nouvelle Cristalline, Robert va nous sourcer de la bonne eau de derrière les rochers pour une détox qui récure le foie. D'ailleurs vu le nombre de multinationales qui font du sourcing, Robert se demande un peu pourquoi il n'y a pas plus de monde au rayon Volvic. Version Corporate Sourcing = identification de profils répondant à un besoin. A l'origine employé pour désigner la recherche de fournisseurs et prestataires, aujourd'hui plébiscité par les recruteurs pour désigner la recherche de talents... utiles. En gros si tu es ingénieur ou développeur, tu te fais sourcer deux fois par jour. Si tu es styliste ou écrivain, tu te fais sourcer lorsque la pleine lune coïncide avec le rut de la licorne. BTOB Version Robert Robert est, souvent, beaucoup trop pressé. Lui, quand il lit btob, il lit soit bob, soit blob, soit zob, et je t'épargne les jours de surmenage intense durant lesquels il lit tout implement 2be3. Génération 90, bienvenue, génération millenial, inutile de lancer une recherche Google, tu ne ferais qu'abrutir tes pauvres neurones. Comment crois-tu que Robert en soit arrivé à ce stade de décrépitude avancé ? Trop de zob, euh pardon, je veux dire de 2be3. Version Corporate Btob = business to business. Comprends "on est des pro qui parlent à des pros, vendent à des pros et échangent avec des pros, si-t'as-pas-de-numéro-de-siret-tu-fouettes". Cher Lecteur/trice, je vais m’arrêter là histoire de ne pas broder mille mots sur le corporate, mais je sens bien que tu es sous le charme du langage d’entreprise. Hauts les cœurs, jeune actif(ve), sache que cette langue poétique me chavire moi aussi, et que tout ça méritera forcément un tome 2. Comment je le sais ? Parce que Robert est en train de se marrer en disant qu’on se fait bientôt un conf’call pour débriefer le process. Couché, Robert.
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Mars 2018
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