Cher Lecteur/trice, à toi qui n’as pas connu ce brillant moment de télévision que fut Vis ma vie, je vais t’offrir, aujourd’hui, une plongée express en plein concept. Lis bien, c’est fastoche : on fait comme si tu étais moi et que tu vivais ma vie, soit le prétexte de rêve pour te raconter des trucs en imaginant que ça t’intéresse et que la démarche n’a rien d’égocentrique. En poussant un peu, je pourrais même presque arriver à me convaincre que c’est pour ton bien. C’est que l’hypersensibilité, vois-tu, est un phénomène encore plus ignoré que l’introversion, dont je t’ai déjà causé ici. Si tu me demandais mon avis, je te dirais qu’il y aurait bien un lien de cause à effet entre les deux, mais bref. Rien d’obscur dans le mot, l’hypersensible est plus sensible que la moyenne, et si tu t’imagines aussitôt un super héros en cape flamboyante capable de renifler l’accident chimique à l’autre bout de la ville, je t’arrête tout de suite : la cape, c’est trop dangereux, tu as vite fait de t’étrangler, et la réalité de l’hypersensible est nettement moins sexy. En vrai, l’hypersensible, c’est quelqu’un qui galère du lourd dans la vie de tous les jours. Généralement, il passe pour la lopette qui se fait un bleu en effleurant un oreiller, voire pour le pote un peu pénible qui ne sort pas sans sa crème, voire pour le gros relou de service qui demande à baisser le son. Pourquoi ? Vis ma vie, je te dis, c’est parti mon kiki. Tu te vois, trottant gaiement dans une rue ensoleillée, le regard doré par les UV ? Hypersensible, sans lunettes de soleil triple épaisseur avec teinte spéciale anti-luminosité, c’est comme si tu trottais devant un mur de phares dirigés droit sur ta rétine : dix minutes, migraine garantie, trente minutes, tu perds la vue. Mieux, ça marche même sans soleil, avec un écran de télé ou un ordinateur trop lumineux, voire une bonne journée de pluie sur fond de ciel gris. Et nom d’un bretzel, comme c’est populaire, de marcher sous la pluie avec des lunettes de soleil et une casquette, je te garantis que tu emballes de la mouette. Tu te vois, quand ça te gonfle de devoir tartiner ta peau de crème matin ET soir ? Hypersensible, c’est six couches de crème par jour, et je te parle du tube deux fois plus cher pour peau sensibles-allergiques-réactives-intolérantes-échauffées-sèches, magnifique euphémisme pour ne pas écrire crème spéciale peau de m***, avec trois smileys moqueurs derrière. S’il y a du vent, tu rentres avec l’impression de t’être gommé la peau à la grattounette, et quand tu essayes de te faire un gommage ultra-doux spécial peau sensible au lait de Petit Poney, tu affiches un joli teint coquelicot pendant trois jours. Pour un peu que tu aies du bol, tu peux cumuler avec les allergies et un regard de Rocky post-combat à chaque papouille féline ou promenade printanière. Tu te vois, quand tu claques de la langue en te disant que diantre, tout de même, il picote la glotte, ce curry ? Hypersensible, tu vides l’aquarium après une bouchée de sauce au Tabasco, tu lèches la vitre après une graine de piment et tu pleures ta mère avec les fajitas Old el Paso. Mieux, pendant que tu lapes ton verre en mode zéro fierté, tout le monde te regarde d’un air perplexe en mâchant son piment comme une fraise Tagada. Ah, et je ne t’ai pas dit. Ça marche aussi avec l’alcool. On aura beau te refiler du grand cru classé, tu auras toujours l’impression de boire du vinaigre, ce qui avec ta casquette et tes lunettes de soleil, augmente encore un peu ta côte de popularité. Tu te vois, vaguement agacé(e) par le bruit de la machine à laver en mode essorage dans la pièce voisine ? Hypersensible, tu offres ton corps à Darty pour qu’on te dégote un frigo moins bruyant et tu t’auto-lobotomises pour échapper ne serait-ce que cinq minutes au bourdonnement de ta box internet. À tel point que quand le frigo finit par se calmer, tu renonces à ton yaourt de peur de réveiller la bête. J’ajouterai comme cerise sur le gâteau et juste pour le plaisir, puisque le mal est commun, une bonne dose de misophonie. Soit la phobie des bruits de bouche, ou l’envie de repeindre le carrelage avec la tête de quelqu’un que tu aimes habituellement beaucoup, mais qui vient lire par-dessus ton épaule en mastiquant comme un bovin. Oui, c’est un vrai truc, demande à Google. Tu te vois, secouant la tête avec dégoût devant des images de maltraitance animale ? Hypersensible, quand tu vois un mec donner un coup de pied à un chiot dans un film, tu brûles le DVD et la télé avec, en pleurant toutes les larmes de ton corps avant de vomir devant l’insoutenable violence du monde. Ce qui t’oblige, en général, à construire des murs de trois mètres d’épaisseur couverts de clous autour de tes émotions, histoire de survivre plus de deux jours en société, et te rend asocial(e) et/ou introverti(e), quand tu ne passes pas tout simplement pour un charmant zombie avec casquette, lunettes de soleil et jus de fruits. Tu te vois, chez le chirurgien qui t’explique que vraiment, ça ne fera pas mal plus de deux jours ? Hypersensible, tu finis par comprendre que ton seuil de tolérance à la douleur est placé bien plus bas que la moyenne, et qu’en gros quand on te dit attention ça va piquer, tu vas te faire ouvrir les veines à la tronçonneuse. Que quand on te dit quinze jours pour cicatriser, tu vas mettre deux mois, et que quand on te prescrit du Dafalgan, tu as intérêt à injecter dès maintenant tes Dragibus de morphine. Le meilleur dans tout ça, c’est que les trois quarts des médecins ne te prennent pas au sérieux ou ne connaissent pas le problème, donc partent du principe que tu es une chochotte en puissance. Pendant ce temps, la moitié des êtres humains à qui tu en causes le perçoivent comme une menace, voire une vantardise, puisque dans hypersensible il y a « hyper », donc mieux, donc plus fort, donc tu ne te prends pas pour la queue d’une mirabelle, nom d’une truffe, à leur affirmer que tu es plus futé(e) qu’eux, ce qui est on ne peut plus éloigné de la vérité mais beaucoup plus rapidement assimilé. Je tiens tout de même à te rassurer, Lecteur/trice, hypersensible ou non, il y a pire : il parait que certains hypersensibles parlent aux esprits. Personnellement, je m’estime chanceuse de ne parler qu’à mon frigo pour le supplier de se taire.
16 Commentaires
Cher Lecteur/trice, en ces jours où la météo joue à je t’aime-moi non plus, m’a pris l’envie subite de te parler de printemps, sans ironie aucune, comme toujours. Parce que tout de même, soyons honnêtes, en ce moment, c’est câlin coquin le matin (autrement dit, doux rayon de soleil sur ta peau de pêche), et poêle en fonte dans ta tronche l’après-midi (autrement dit, tempête de vents pluvieux sur ta peau transie). Si toi aussi, tu vis le mois d’avril en tongs et en doudoune, parle-moi. En revanche, si tu vis dans un monde merveilleux avec prédictions météo fiables à plus d’une heure, pitié, contente-toi de me dire bonjour, plutôt que de gloser (oui, un mot rarement usité mais tellement poétique, hein) sur ton mollet bronzé. … d’aimer le printemps
*Je précise que je rédige ce post dimanche à 20h, il est donc tout à fait décent pour moi d’aller prendre l’apéro. Non, je ne prends pas d’apéro le lundi à 14h, encore qu’étant strictement limitée au thé et à l’Oasis, l’idée ne serait pas non plus totalement démente… Cher Lecteur/trice, si tu es la personne avec qui j'ai pris un verre samedi, sache que les situations suivantes ne sont pas tirées de notre entrevue, mais une simple compilation de mes tentatives de sociabilisation. Qui, je le suppose, sont déjà arrivées à tout un chacun, excepté, peut-être, le coup du robinet sèche-main. Sinon, Lecteur/trice, sens-toi libre de compléter la liste, j'adore quand tu me racontes tes malheurs, je me sens moins seule.
Mais dis-moi cher Lecteur/trice, ça ne ferait pas une éternité que je ne t’ai pas fait de joyeux boxon ? Diantre, que de négations dans une même phrase, on sent bien qu’on est lundi, hein… Et note, au passage, que j’ai réussi à me lancer dans les digressions dès la seconde phrase de mon paragraphe, ce qui est sans doute un record personnel, bravo moi, c’est dire si je suis dans une forme olympique, rapport à Robert le neurone qui refuse obstinément de pédaler. Bref. Retour sur le sujet qui n’en est même pas un, puisque je voulais juste t’annoncer que j’avais préparé un joyeux boxon, ou les réponses à ces questions que tu poses à Google. Oui, je te l’avais dit dès la première phrase, mais sept lignes pour ne rien dire, c’est quand même du grand art. Je t’avais dit, aussi, que j’étais en grande forme. Je te laisse, je retourne flageller Robert. Pourquoi docteur Parce que George Clooney. Oui, je suis vieille, sans quoi je citerais Grey’s Anatomy, j’imagine. Pourquoi donner son sang Parce que quand tu vas dîner chez belle-maman, c’est quand même beaucoup plus personnel qu’un bouquet de fleurs. Pourquoi devenir gardien de la paix Parce qu’au Monopoly, ça te rapporte un max de billets en papier, et que tout le monde sait que le Monopoly, c’est un reflet de la vraie vie. La preuve, je n’y ai jamais joué, je préférais les Hippo Gloutons*. Ceci explique cela. Pourquoi devenir policier Parce que le treillis est l’un des pantalons les mieux pensés pour sublimer le fessier. Dans ta face, George, tu as intérêt à être en string sous ta blouse pour être à la hauteur. Pourquoi dit-on allo Parce que les premiers téléphones étant lourds et peu maniables, les gens avaient tendance à se mettre un coup en décrochant. Du coup, ils disaient « aaaaiilleuu », ce qui est resté sous la forme « allo »*. Pourquoi devenir français Parce que râler tout le temps, c’est bon pour le moral, et qu’après quelques années de pratique, tu arrives à râler parce que tu râles trop, ce qui correspond au niveau maître Jedi du français. Pourquoi dit-on Dory*, si c’est toi, rends le clavier à Némo. Pourquoi devenir infirmière Parce que tu peux 1) coincer George contre la machine à café, 2) retirer le treillis des policiers qui se sont tiré dans le pied. Pourquoi devenir végétarien Parce que ton sang est de bien meilleure qualité, c’est belle-maman qui va être contente. * : à quiconque est trop jeune pour avoir connu les Hippo Gloutons, il s’agit d’un jeu pour enfant dans lequel tu ouvres la gueule d’un hippo fluo pour manger autant de petites billes que possible, ou comment ruiner la notion d’alimentation équilibrée pour toute une génération d’âmes innocentes. * 2 : ceci est un ramassis d’âneries, tu penses bien… et parce que pour une fois, c’est une bonne question, je te livre l’explication de mon meilleur ami Wikipédia : allo viendrait de « halloo », un mot anglais signifiant grosso modo « salut mon pote ». * 3 : à quiconque aurait des lacunes dans ses références Disney, Dory, c’est le poisson chirurgien bleu du Pacifique (non, je ne me prends pas pour Cousteau, j’ai cherché sur Wikipédia), doté d’une mémoire immédiate de trois secondes. Et on va bientôt savoir pourquoi, vu que la suite sort le 22 juin. Courage, Dory. |
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Mars 2018
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